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6 août 2012 1 06 /08 /août /2012 21:33

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Je vous ai déjà proposé un résumé de lecture de Paul-Émile Roy sur la crise spirituelle du Québec. Je suis maintenant à lire Oui à l’Église publié par André Sève en 1993 aux éditions Centurion à Paris. Le texte a été publié en 1993, je le reconnais. Beaucoup de belles choses été dites et écrites depuis. Le livre que j'ai en main me fait réaliser des choses extraordinaires qui méritent une réflexion approfondie. Avons-nous trop institutionnalisé l’Église? Savons-nous QUI elle est? Je propose ici l’introduction qu’il présente. Bonne lecture!

«J’ai fait ce livre parce que je me sens bien dans l’Église. Pourquoi? C’est plus facile d’expliquer des malaises que de décrire un bonheur. Mon bonheur d’Église a un nom : j’aime le Christ, et l’Église est le pays du Christ. Quand je participe à une liturgie, quand je me lève pour aller communier, quand je lis un beau texte d’Église, quand je me mêle à un grand rassemblement, mes deux amours sont là, étroitement liés : le Christ été celle qu’.il a fait naître de lui pour pouvoir nous atteindre tous et de toutes les façons. J’aime ma Bible, c’est l’Église qui m’a préparé cette nourriture royale. J’ouvre mon bréviaire, c’est l’Église qui me fait entrer dans sa grande prière. Je prépare la messe du dimanche, ce sera un rendez-vous d’amour ecclésial : j’y serai avec le Christ et avec mes frères. Comment ne pas dire oui à l’Église? (p5)

Je suis peiné, moi aussi, par certaines attitudes du Magistère. En fait, quand nous disons «Église», nous voulons parles des responsables à tous les niveaux, et surtout du poids de Rome. Mais le mystère de l’Église et non son rôle bénéfique dépassent tellement ses misères ressassées sans amour.

J’aime l’Église. Je n’aurai pas peur de montrer mes déceptions, mais je le ferai avec amour. (p.6)»

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27 juillet 2012 5 27 /07 /juillet /2012 16:28

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J’ai connu un artiste sculpteur il y a trente ans. De réputation internationale, ses œuvres sont répandues un peu partout. Cette semaine, j’ai pris le risque de le visiter. C’est vrai que j’ai présidé aux funérailles de sa mère l’hiver dernier. J’avais profité de l’occasion pour m’inviter à visiter son atelier. Ce n’est que cette semaine que je me suis décidé. Arrêtez-vous aux détails de la photo choisie et vous comprendrez probablement mon expérience!

J’ai reconnu en cet artiste la patience de Dieu. Une œuvre peut exiger des années de travail. Dans ma méditation, j’ai pris conscience que c’est probablement ainsi que Dieu nous conçoit. Je suis souvent ce tronc dépouillé de son écorce, laissé pour compte dans un coin d’où émerge des nœuds témoins qu’il y a déjà eu des branches et qui sait, des feuilles aux verdures enviables.

Mon ami Vic Dallaire respecte le bois comme Dieu aime ma nature humaine. Plutôt que d’y voir des obstacles, le sculpteur contemple les nœuds du bois comme des complices qui vont rehausser l’œuvre qui va en découler. Dans sa tête, la pièce de bois cache des merveilles à faire découvrir, connaître et apprécier. Je ne vois plus l’être humain de la même manière depuis que mon ami m’a fait découvrir sa spiritualité de la nature. Au-delà de la sensation de la feuille de papier sablé, il y a la tendresse de la main qui caresse.

Si j’étais ce tronc dénudé, est-ce que je m’abandonnerais à l’inspiration d’un tel créateur? La réponse réside dans mon attitude par rapport à Dieu dans ma vie. Suis-je prêt à me laisser sculpter à ce point? Au-delà de mon écorce décharnée et malgré mes nœuds sans branches, suis-je capable de me laisser façonner aux couleurs de Dieu? Mais qui est Dieu pour éveiller en moi une telle confiance?

Ce Dieu, je l’ai reconnu dans la mine défaite de la mère de ce jeune Chinois, Lin Jun. Sa peine est incommensurable. Aucune mesure humaine ne peut encadrer une telle souffrance. Son fils unique était toute sa vie. Il n’y a rien à dire devant les cris du cœur brisé et broyé de cette mère inconsolable et ce père ravagé par ce que la vie présente comme la pire des injustices. Aucun parent ne devrait vivre de telles situations. Au plus profond de leur désespoir, l’impossible s’est produit sous nos yeux. Arrivés au pays la rage au cœur, ces illustres inconnus sont devenus nos amis. Comment un tel miracle ait pu se réaliser?

Sûrement à cause de l’accueil inconditionnel de la communauté chinoise de Montréal d’une part. Je reconnais aussi l’encadrement des autorités de l’université Concordia envers ce couple meurtri qui doit avoir recours à des interprètes pour nous déchiffrer et se faire comprendre. Mais devant de tels pleurs et d’expressions indescriptibles d’un mal si profond, faut-il encore des mots pour saisir l’ampleur du désastre humain? Sans le sou, le peuple s’est laissé interpeler. Les parents ont le droit d’assister au procès de celui qui leur a enlevé leur seul espoir car on le sait, il y a de ces cultures où les enfants assurent les vieux jours des parents. Ils seront donc logés gratuitement et une fondation leur offre de quoi vivre. Sincèrement, nous devons leur offrir ce bien nécessaire qui ne comblera jamais leur perte.

On dit que les parents se sont convertis au christianisme. Témoin de l’ultime cérémonie religieuse et de la mise en terre des cendres de Lin Jun, pourquoi ne pas avouer qu’ils se sont convertis au catholicisme? Là est la source de toutes les consolations du monde. Au-delà de leur peine, la mère manifeste une certaine compassion envers celui qui lui a ravi son fils unique. Aussi, se sert-elle de la mort de son fils pour ériger une fondation pour aider ceux et celles qui ressemblent à celui qu’on dit être le meurtrier de cet être irremplaçable. Il est là le miracle incontestable de la miséricorde vécue au-delà de sa peine.

De par la nature de ses sacrements, le catholicisme offre une actualisation de la résurrection du matin de Pâques. C’est avec le regard de la foi que le drame Lin Jun nous montre la puissance de la grâce dans un monde où se côtoient le meilleur et le pire de la race humaine. D’une part, nous avons un détraqué notoire qui a même popularisé son crime sur You tube et d’autre part, la mère de la victime qui plaide pour qu’on vienne en aide à une jeunesse décapitée de leurs rêves d’enfant pour que de telles monstruosités ne re^roduisent plus.

Dans les méandres infâmes de ce récit familial cauchemardesque, je revois mon ami Vic donner une couleur artistique à un vieux morceau de bois oublié dans un atelier où Dieu continue de ressortir le meilleur qui dort dans ce qu’on croit être le pire de la race humaine. Dieu existe, sinon je ne serais pas ici à écrire ces lignes. Sa patience est encore à l’œuvre car mon ami Vic est encore dans son atelier à caresser un bout de bois perdu. Son amour  est de toujours car une mère a réussi à reconnaître que le meurtrier de son fils unique a un mal de vivre plus grand que sa peine. Si Dieu n’existe pas, expliquez-moi cette beauté qui transcende toutes les laideurs de la vie!

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24 juillet 2012 2 24 /07 /juillet /2012 16:49

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Je ne me suis jamais prononcé pour ou contre les frais de scolarité. Le sujet avait besoin d’être réfléchi. Dans les faits, la revendication des étudiant(e)s est légitime. Quiconque ne possède pas un diplôme collégial ou universitaire de qualité se voit contraint à un avenir étréci, puisque sans issu par rapport aux promotions liées aux échelles salariales liées aux grandes entreprises. Pourquoi en sommes-nous venus là?

Répondre honnêtement à cette question relève du devin. Dans les années 60, le Québec s’ouvrait à la possibilité des grands rêves humanitaires. Le gouvernement québécois se voulait «maître chez soi» et l’Église dominante s’ouvrait au Peuple pour que ce dernier devienne aussi Église peuple en marche. Pour ce faire, le gouvernement forme alors de nouveaux ministères, notamment ceux de la santé et l’éducation qui appartenaient alors à l'Église et à ses institutions religieuses. Dans une biographie sur le Cardinal Paul-Émile Léger, on nous dit que ce dernier aurait demandé à Jean Lesage de reconnaître publiquement l’apport de l’Église dans l’histoire du Québec en matière de santé et de l’éducation. Celui-ci n’en a rien fait. Il y a bien eu plusieurs écrits de reconnaisance mais ces derniers sont passés aux oubliettes. Je suis à relire ces livres oubliés, comme des orphelins de cette nouvelle élite intellectuelle insoumise.

Le gel et même l’abolition des frais de scolarité serait été  justifiable si les promesses des années 60 avaient été tenues. À l’époque, le Québec comptait sur une carte de crédit intacte. La Révolution tranquille qui a marqué son histoire présente maintenant une carte de crédit saturée aux intérêts exubérants. La nouvelle génération s’éveille avec un endettement qui ne leur appartient pas. Pourtant, la gratuité scolaire serait possible si on admettait les erreurs aux quelles il faut d’abord remédier. La CLASSE commence à nommer les choses par leur vrai nom : «le néolibéralisme». Mais qui est ce monstre et de quoi se nourrit-il?

Le néolibéralisme est un mouvement économique commencé à la suite de la deuxième guerre mondiale. L’Église de l’époque s’y est toujours opposé en prédisant les exagérations que l’on connaît actuellement. Pour l’Église, l’humain doit être au centre des nouvelles technologies et des mouvements économiques. Le «profit pour le profit» n’a jamais été au service de l’humanité mais plutôt au service d’une minorité qui contrôle l’ensemble des ressources humaines, naturelles et énergétiques. L’Église le prévoyait dans les années 40 et on n’a pas cette humilité de le reconnaître. Une élite s'est donnée tellement d'efforts pour noircir sa réputation et son histoire que nul ne peut trouver le courage et l'audace de reformater les pages obscures qui nous constituent.

Le gouvernement demeure l’ennemi de l’Église et du peuple d'aujourd'hui. Il se veut laïc sans bases délimitées dans cantonner ses acquis historiques et culturels. Il lui revient néanmoins d’assurer un plancher d’emploi pour ses collégiens et universitaires diplômés. Autrement, ces derniers se verront obligés à s’expatrier ailleurs, là où ils ne paieront pas d’impôt ni de taxes afin de remettre sa part reçue en éducation. Mais que fait ce gouvernement pour assurer l’avenir du peuple qui l’a élu? Il développe des mégas projets en vendant ses ressources premières aux multinationales comme si ses sujets n'étaient encore qu'une colonisation industrielle. Or, on sait que les meilleurs salaires viennent de ces nouvelles exploitations venues d’ailleurs. C’est l’ère du néolibéralisme critiqué depuis longtemps par l’Église et repris récemment la Coallision Large pour une Assemblée syndicale et sociale Étudiante (CLASSE).

La CLASSE ne reconnaît son avenir qu'en dehors du néolibéralisme pour pour ce faire elle veut le mettre à la porte. Cette revendication est aujourd'hui plus courageuse que celle des années 50 où on revendiquait contre l’Église catholique de l’époque. Nous sommes maintenant étouffés par un régime financier totalitaire du néolibéralisme économique comme nous ne l’avons jamais été sous le régime Duplessis et d’avant Vatican II. Nous revendiquons nos libertés de conscience, mais de quelle conscience parlons-nous? Car nous devons l’admettre. En évacuant l’histoire de notre système d’éducation, nous avons perdula conscience des repères qui s’y rattachent.

J’admire le silence de l’Église dans les enjeux actuels liés aux revendications étudiantes. Mais Elle sera au rendez-vous quand nous permettrons aux Québécois de s’approprier l’histoire qui a marqué sa croissance depuis plusieurs décennies.  En s’appropriant son histoire, on se donne des moyens pour assurer son avenir. Entre temps, pataugeons toujours dans ce marasme quotidien des sans-voix et sans-papiers tant nous sommes aux prises d'une économie hors de notre portée. C’est presque l’actualisation du Notre-Dame de Paris de Luc Plamondon. En passant, j’attends toujours des nouvelles des Éditions Fides qui ont toujours mon manuscrit intitulé : «DE LA SCÈNE À LA VIE; un essai sur les dynamismes psychologiques et spirituels inspirés des personnages de Notre-Dame de Paris de Luc Plamondon.»

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22 juillet 2012 7 22 /07 /juillet /2012 21:25

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Les apôtres reviennent de leur première mission. Ils sont emballés par l’expérience. Jésus les invite à se retirer au désert et à se reposer. La foule, par contre, en redemande et elle devance les apôtres et les attend à leur arrivée. Jésus va à la rencontre de la foule alors que le apôtres se reposent.

Comme c’est le cas aujourd’hui, les apôtres auraient pu devenir les esclaves de la foule en manque; en manque de paix, de sérénité, d’amour et en quête de sens dans tout ce qui bouge. Ils auraient pu se dire trop occupés pour un tel repos. La situation est urgente et il faut y remédier au plus vite! C’est encore le cas de nos jours où les médias regorgent de nouvelles catastrophiques de toutes sortes; fusillade lors d’une fête de quartier à Toronto, l’horrible carnage dans un cinéma aux États-Unis. Pourquoi se mettre à l’écart alors que le monde a tellement besoin de missionnaires dévoués!

Je pense à la nécessité de la croix comme source de salut. Le pendant horizontal de la croix est bien fourni. Les réseaux sociaux regorgent d’une série d’influence à ne plus finir. Les réseaux twitter et facebook enlèvent les paramètres qui jadis stabilisaient une vie régularisée par un mode de vie dite décent. On est toujours à l’affût de la dernière nouveauté. En fait, il est tellement facile de se noyer dans cette manière de faire. Ce qu’il manque pour équilibrer la vie, c’est le pendant vertical de la croix. D’abord, le pendant vertical vers le bas où l’humain se retire pour retrouver sa profondeur d’être. Dans la foulée des mouvements sociaux, on entend tellement de choses qu’on se sait plus écouter. En entrant dans son for interne au cœur de son désert profond, on y retrouve une écoute attentive comme si ce qui a été entendu prend écho en soi. On n’est pas responsable de ce qu’on entend mais on peut répondre de ce qu’on écoute vraiment, de ce à quoi on fait écho en soi.

Comment loin en soi doit-on aller pour se rassasier? Il faut descendre à la limite du soi. Un instructeur de natation m’a un jour dit que seuls ceux qui ont peur de se rendre au fond de la piscine s’y noient. Seuls ceux qui ne vont pas au plus profond d’eux-mêmes afin d’y discerner une racine profonde qui soit source de vie en arrivent à souffrir d’épuisement professionnel. Si le monde porte en soi un cri primaire vers son Dieu, il revient aux apôtres de se retirer dans le désert de son être profond pour y décoder le message. Leur foi est de faire confiance en Jésus qui va à la rencontre des foules en manque et en souffrance. En est-il ainsi dans ma vie missionnaire? Est-ce que je me donne le repos nécessaire, sachant que Jésus reste auprès de ceux que j’abandonne pour un instant de  répit? Il ne s’agit pas ici de refaire ses forces. Quel est le sens premier de ce dont je suis témoin?

Au fond de ma piscine intérieure, il y a un tremplin sur lequel je peux m’appuyer pour rebondir au-delà des démêlés sociaux qui préoccupent les médias. C’est la transcendance de l’homme qui émerge de ses profondeurs quand ces dernières sont atteintes et qui servent de tremplins. Là est le sens rédempteur du mystère de la croix qui fait de nous des témoins crédibles dans un monde en recherche de sens et de salut.

Est-ce que j'ai l'impression de me noyer dans les informations avec lesquelles on pollue ma vie spirituelle? La croix du salut est présente dans le monde d’aujourd’hui. On n’y voit que les pendants horizontaux. Suis-je capable d’entretenir le pendant descendant pour conserver ma profondeur d’être? Et de là, suis-je capable d’un élan tel que j’émerge des démêlés sociaux dans un geste de transcendance de laquelle je manifeste le besoin spirituel de ce monde en souffrance? Cette transcendance, c’est le sommet de la croix sur lequel est inscrit «Jésus, Roi des Juifs.»

On veut tellement croire en notre produit pastoral qu'il nous arrive d'en oublier les origines. On ressemble souvent à ce vendeur d’aspirateur qui s’acharne à vendre son produit à une cliente. Celle-ci a beau lui dire qu’elle n’a pas d’argent, il m’en démords pas. Il renverse une chaudière de fumier de cheval sur le tapis du salon. Devant la surprise de la dame, notre vendeur se fait rassurant. «Madame, ce que mon aspirateur n’avalera pas, je m’engage à le manger.» La dame de répondre: «Bonne appétit monsieur. On m’a coupé l’électricité hier soir!»  Il avait pourtant entendu la dame lui dire qu’elle n’avait pas d’argent mais il n’avait pas su écouter! Est-ce notre cas?

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20 juillet 2012 5 20 /07 /juillet /2012 16:01

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On m’a offert un laisser –passer pour le site de la Nouvelle-France de Saint-Félix d’Otis. J'y suis allé avec une amie. Ce site a été connu pour le tournage du film ROBE NOIRE en 1990. On a depuis investi une certaine somme d'argent et d'énergie pour en faire un centre touristique agréable.

Le spectacle CABRIOLES est à voir. C’est l’histoire d’un Hugo de Rouen qui arrive de France pour y faire fortune. Il lui faut un métier. Les scènes sont loufoques et entraînent le rire. La participation d’un spectateur est mise à contribution. Finalement, il deviendra amuseur publique en faisant équipe avec son concurrent de la scène. C'est un scénario simple et bien pensé. Le jeu des artistes est divertissant. Les numéros de jongleurs, les prouesses d’une trapéziste et  l’adresse des chevaux nous font oublier les sièges un peu inconfortables des estrades. On ne voir pas l’heure du spectacle s’écouler.

La visite touristique de ce lieu ne se compare pas au Village Acadien du Nouveau-Brunswick. Les budgets d'opération ne se comparent pas. Mais les interprètes y sont néanmoins de qualité. Nous sommes guidés vers un village Hurons tout près de l’accueil. Une brève leçon d’histoire nous permet d’apprécier le mode de vie des premiers occupants de ces terrains fertiles et encore inconnues. Les maisons longues et les murailles artisanales qui encadraient la manière de vivre de l’époque nous situent dans une autre vie. On explique bien la culture matricide où la mère est au cœur de la vie de la tribu. La grand-mère était l’âme de la vie, la sagesse incarnée de la communauté. Certes, il fallait un homme pour assurer le rôle du chef de la tribu, mais celui-ci était nommé par les grands-mères qui constituaient le grand conseil de la bande. La femme y est porteuse éducatrice de la vie alors que l'homme est le défenseur et le pourvoyeur.

Un tramway motorisé nous amène ensuite à la haute ville de Québec en 1630. La tournée commence par une visite à l’église où un bon Jésuite de l’époque nous attend. Selon lui, nous étions de la dernière flottille arrivée de la vieille France. Il nous considérait comme était alors perçus ces nouveaux arrivants. En réfléchissant à sa manière quelque fois loufoque de nous étaler ses propos, nos ancêtres n’étaient pas tous  des gens aux grandes ambitions. J’aimerais approfondir l’origine des «filles du Roi» de l’époque. La colonisation était un défi de taille. La traversée avait été laborieuse et le séjour n’allait pas être de tout repos. Nous avons ensuite visité les lieux aménagés de la haute ville. On a pu voir une réplique de la résidence des Jésuites, de Samuel de Champlain, un dortoir pour accommoder les nouveaux arrivants et le magasin général. À ce dernier lieu, un jeune interprète s’informait de notre voyage en mer. Combien ont eu le mal de mer, combien de passagers ont péri en mer. Il s’informe si nous avions vu un bateau de cargaison qui lui était destiné car sa dernière commande retarde beaucoup. Il craint que le bateau ait été victime des pirates ou d’un naufrage.

Nous descendons ensuite dans la basse ville, là où le film «Robe Noire» a été tourné et un autre film dont le nom m’échappe. Ce deuxième film a eu Marina Orsini comme personnage principal. On a pu voir les «cabanes» qui faisaient office de maisons familiales de l’époque. Une Montagnaise d’origine nous accueille dans ce qui devait être le magasin général de la basse ville. Nous avons eu une leçon d’histoire sur la manière de faire des amérindiens de l’époque. On se faisait des ustensiles et des outils de travail à même la nature, des aiguilles à coudre faites d’os d’oiseau, un os d’orignal pour faire un couteau finement aiguisé, des nerfs d’orignaux qui servaient de fils à coudre les peaux.

Nous n’avons pas visité la forge et une cordonnerie par manque d’interprètes. Ce sont probablement des développements touristiques à prévoir pour le bénéfice des visiteurs à venir. Un élément toutefois à ne pas sous-estimé est la présentation des découvertes archéologiques. J’aurais aimé avoir plus de temps avec l’archéologue qui nous a trop brièvement partagé les découvertes récentes en ces lieux historiques. Ce site a raison de s’appeler «La Nouvelle-France.» S’il connaissait des investisseurs audacieux, il sera voué à un bel avenir. Entre temps, l’expérience d’une visite en vaut le détour.

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13 juillet 2012 5 13 /07 /juillet /2012 18:46

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Qu’est-ce qui constitue le caractère foncier d’un missionnaire? Ça mange quoi en hiver et comment le situer dans un monde en devenir? Le missionnaire doit avoir la conscience de ce qui le façonne de l’intérieur. Il développe ainsi une politique qui soit une manière de faire ajustée et ajustable dans le respect mutuel de la collectivité. Il apprend aussi à articuler une diplomatie dans une façon de communiquer sa manière de penser l’expérience vécue collectivement.  Le tout doit prendre racine dans une culture appropriée à la réalité du peuple encadré par une politique précise et exprimé avec la plus grande fidélité aux valeurs fondamentales auxquelles se reconnaît le peuple en question. Le missionnaire est un leader capable de rallier le peuple choisi dans un projet collectif concret, réalisable et vérifiable qui soit aussi habité d'un esprit de vie qui allume les feux de l'avenir.

En fait, le missionnaire s’intéresse à tout ce qui assure la vivacité des plantes de son jardin, c’est-à-dire à la sève qui relie la feuille des branches aux racines qui la nourrissent. Un missionnaire se sait d’une nature au-delà de sa mission. Il fait de cette dernière une image, un reflet de son être et ce, tout en la dissociant de sa personne. On reconnait les missions militaires, politiques, économiques. Les militaires ne s’identifient pas à leurs missions de combat ou de paix.  Les politiciens chevronnés ont une perception du monde qui surpasse les politiques qu’ils proposent. Il en est ainsi des personnes d’affaire en mission commerciale. L’arbre est l’image la plus fidèle du potentiel humain. On reconnaît l’arbre à ses feuilles comme on concède à l’homme son réseau social et les influences qui s’y démarquent. Le tronc de l’arbre serait l’image de la culture qui habite l’humain pour le situer dans un dynamisme collectif. Finalement, il y a les racines de l’arbre qui puise à même le sol la subsistance première qui lui assure la vie. S’il est possible de relier un arbre à la forêt, c’est bien à cause de ses racines qui puisent dans un sol commun. La spiritualité est donc la sève qui crée l’harmonie entre les racines, le tronc et les branches des humains pour atteindre en chacune de ses feuilles la mission qui l'identifie et la situe dans le monde. Un vrai missionnaire ressemble activement aux jardiniers qui protègent l’harmonie de son potager tout en se gardant de se croire maître de ceux et celles qui festoieront autour de la table devant un potage unique.

L’héroïne de notre enfance qui a eu une figure de missionnaire dans ma famille est certainement madame Janette Bertrand. Je revois encore le regard soyulagé de ma mère quand mes sœurs ont apporté à la maison un petit livret distribué à l’école, dirigée par des religieuses et qui portait sur la croissance des filles en voie de devenir des femmes. Ma mère avait certainement l’expérience requise pour certifier les renseignements qu’avait publiés madame Bertrand. Le problème de ma mère était qu’elle n’avait pas les connaissances requises pour transmettre de telles expériences de femme à ses filles. Elle s'en faisait peut-être un complexe. Ma mère verra donc madame Bertrand comme l'une héroïne dépareillée. Je me souviens de l'attitude de ma mère après avoir lu le livret de Madame Janette Bertrand. «Lisez cela, disait-elle à mes soeurs. Si vous avez des questions, venez me voir!» Que de soirées avons-nous passées devant le petit écran à regarder «Adam et Ève», «Quelle famille!» et d’autres émissions  dont Janette Bertrand avait signé le scénario. N'était-ce pas là ma meilleure manière de reconnaître le service inestimable que Madame Bertrand a rendu à bien des mères qui voulaient le meilleur de leurs filles?

Il est malheureux que madame Bertrand se soit jointe à ceux et celles qui ont réduit l’Église catholique à une donnée historique qui ne lui appartient plus. À l’époque de l’Église, les femmes se formaient en communauté et elles dirigeaient nos soins hospitaliers et veillaient à l’instruction des générations à venir à même leurs écoles. Il est malheureux que le premier ministre de l’époque, Jean Lesage, ait refusé de reconnaître l’apport incontestable de l’Église non seulement en matière de santé et d’instruction, mais aussi pour la place des femmes à l’intérieur des instituions des quelles se sont articulée la mission de l’Église.

Il y a quelque chose de profondément blessée chez les anciens canadiens français et qui se perdurent chez les Québécois, les Acadiens, les franco-ontariens et manitobains. C’est son incapacité à croire en son potentiel politique, culturel et diplomatique dans un environnement menaçant. J’ai réalisé cela le 8 mai 2008 alors que je voyageais de Bathurst à Chicoutimi. En voiture, j’écoutais l’émission Pierre Maisonneuve à la radio d’état. Pour les quarante ans du manifeste signé et publié par madame Louise Harel lors de la Révolution tranquille de mai 1968, l’animateur demande à l’intéressée si elle écrirait aujourd'hui un tel manifeste quarante ans plus tard. Quelle n’a pas été ma surprise d’apprendre qu’elle n’avait pas écrit ce manifeste. Elle a dit sur les ondes qu’elle l'avait vu en France et qu’elle l'avait trouvé beau. Elle l'a donc signé et publié  ici au Québec. Pendant quarante ans, on a cru madame Harel l’auteure d’un texte qui a remué les canadiens français pour en faire le peuple québécois. En fait, elle ne nous a jamais menti. Elle ne s’est jamais fait demander l’origine du texte. On a simplement présupposé une vérité historique sans en vérifier l'authenticité. En est-il encore ainsi par rapport à l'Église du Québec?

Et si on se donnait la peine de vérifier ce que nos historiens disent de l’histoire de l’Église? Si on resituait les textes du passé dans leur contexte historique respectif  au lieu de les calquer sur notre réalité actuelle comme le fait encore une certaine élite? Et si on se nourrissait de la spiritualité de l’Église du Québec qui subsiste encore malgré qu’on n’y croie plus? On lui demande encore des baptêmes pour les enfants, des amirages et des funérailles. Si l’Église du Québec demeure encore, c’est peut-être parce qu’elle est encore habitée d’une divinité qui nous est toujours inconnue. C’est seulement quand le peuple québécois reconnaîtra l’urgence d’une spiritualité porteuse d’avenir à cause de son héritage inconnu issu de son histoire méconnu qu’on verra s’élever au Québec de véritables missionnaires capables de défendre sa patrie par des politiques ajustées, capables de protéger sa culture à même ses ramifications familiales diverses et aussi capables d’assurer son avenir comme autant de promesses à réaliser.

L’actualité présente nous informe des réalités qu’on a longtemps sous-estimées tant nous les avons crues autres. À quand les vrais missionnaires pour nous faire connaître notre histoire dans sa vérité, nous faire comprendre notre présent dans son authenticité et nous aider à croire en notre avenir avec lucidité?  

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13 juillet 2012 5 13 /07 /juillet /2012 15:49

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Je perçois déjà le Québec comme un pays. On a raison de considérer les Acadiens et les Québécois comme des cousins. Ils ont des racines familiales communes. Comme des cousins respectables et respectés, l’histoire et la culture les constituent ont des airs de famille étonnants. Mais au-delà des airs de famille, il faut reconnaître une manière d’être qui se différencie. L'Acadie existe déjà pour les Acadiens. Qu'en est-il du Québec par rapport aux QUébécois?

L’Acadie a été fondé en 1604 et le Québec en 1608 avec les mêmes fondateurs. Après la conquête anglaise, ils ont tous deux été abandonnés à leur sort.  Dans les deux cas, l’Église a pris la relève alors que l'élite a fuit le navire. En effet, les hôpitaux qui ont soigné les plus faibles et le système d’éducation qui a développer l'élite intellectuel de l'époque témoignent en faveur d'une Église qui a pris ses responsabilités missionnaires. Dans les années 1970, chaque territoire a formé son parti politique pour prendre la relève de l’Église. En Acadie, le parti acadien n’a pas su prendre son envol. Il n’a présenté des candidats qu’à une seule élection, alors que le parti québécois a formé le gouvernement à plusieurs occasions. Ce changement politique différencie maintenant ces deux peuples dans l’actualité. Même si le présent de ces deux «nations» est si différent malgré l’histoire qui les a vues naître, peut-on oser croire en un avenir commun?

Pour reconnaître le caractère tangible d’un pays, il faut l’évaluer à trois niveaux; son système politique qui reflète son présent, sa culture qui témoigne de son histoire et sa religion qui profile les jalons de son avenir. Au niveau politique, la distinction ne peut être plus claire entre le Québec et l’Acadie. Un niveau culturel, on y reconnaît un mouvement parallèle comme une similitude indéniable. Ça a commencé par les chansons traditionnelles françaises qui nous ont fait oublier la trahison de nos fondateurs pour nous avoir abandonnés. Les premiers succès des chansons en français n’ont été qu’une traduction presque mot-à-mot des succès américains de l'époque. Ont alors émergés du Québec des Michel Louvain, Gilles Vigneault et bien d’autres qui revalorisé les couleurs uniques de la culture québécoise. En parallèle, l’Acadie a connu des Édith Butler, Calixte Duguay, Donat Lacroix et le groupe 1755 pour mettre en évidence le fleuron qui constitue la base vitale. L’Acadie a aussi connu des auteurs comme Herménégilde Chiasson, Raymond Breau, Antonine Maillet et bien d’autres pour tracer sur des pages blanches les lignes oubliées d’une histoire dont on a détruit certaines pages pour qu’on en perde la mémoire. Le Québec a connu et reconnaît encore le poids culturel d’un géant comme Félix Leclerc, Claude Léveillée et Raymond Lévesque.

Il y a des pages d’histoire qui nous manquent pour bien identifier les racines profondes de notre culture. Les Acadiens ont été déportés avec l’objectif d’être anéantis. Les Québécois ont été trahis, non par l’Église mais par ceux qu’elle a formés en vue de prendre la relève. L’auteur déjà cité, Paul-Émile Roy, en fait mention dans son livre dont j’ai transcrit des extraits La crise spirituelle du Québec. Le Québec a été envahi dans sa richesse intellectuelle. Ses nouveaux dirigeants, tant sur la scène politique que culturel, ont adopté le discours du conquérant pour condamner celle qui leur a donné la vie et l’inspiration qui motive cette dernière. Je doute que les notes transcrites à la suite des rencontres du Cardinal Paul-Émile Léger de Montréal avec Pierre-Elliot Trudeau dans les années 50 existent encore. Faudrait-il un roman historique pour resituer le dialogue brisé de ces rencontres? On n’a entendu qu’une version de cette histoire, soit celle de celui qui deviendra premier ministre du Canada pour mieux défendre le Québec. Il a été le premier à condamner le rôle de l'Église et sa mission censée transcender le temps. S'en sont suivis une série de perroquets pour renforcer le mur de la honte entre l'Église et son Peuple, comme un enfant qui renie ses parents quand il constate que ces derniers ne se soumettent pas à leurs exigences.

Le Québec est aussi un pays de missions. Il y a ici le potentiel pour une mission florissante dans les domaines politiques, diplomatiques, culturels et religieux. Un pays sans religion ne peut mettre en marche et développer que des politiques déviantes, articuler une diplomatie imposante et véhiculer une culture ésotérique dont on ne connait plus la source. La santé politique, diplomatique et culturelle d’un pays repose sur le sens religieux du peuple qui constitue ce pays.  En reniant le rôle des deux siècles de l’Église au Québec, on tue l’arbre de la vie au niveau de ses racines. J’ai connu une communauté chrétienne où il n’y avait que des fleurs artificielles dans son lieu de culte. C’est parce qu’il y avait plus personne de disponible pour arroser les fleurs réelles qu’on aurait pu y mettre. En est-il de même avec nos politiques, notre diplomatie et de notre culture en reniant le dynamisme religieux censé de les nourrir? Aurions-nous jeté le bébé avec l’eau du bain? C’est ainsi qu’on se donne une baignoire qui ne sert plus à rien. N'ayant plus de bébés à y laver, si on s'en faisait des pots pour nos fleurs articifielles? Le sujet n'est pas épuisé avec la fin du présent article.

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10 juillet 2012 2 10 /07 /juillet /2012 03:31

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Je vous présente le dernier chapitre du livre de Paul-Émile Roy. Un pays prend les couleurs de ceux qui la constituent. Il ne suffit que de rencontrer un Acadien pour croire en un pays appelé Acadie. J’échappe malgré moi les éléments qui habitent la réflexion que je vous proposerai sous peu. Le Québec ne saurait être un territoire sans les Québécois qui l’habitent. Mais y aurait-il plus que cela? Et si le Québec avait aussi une âme, un principe fondamental qui engendre la vie? J’en ai assez dit.

«Saint-Exupéry a parlé quelque part d’une vie de l’esprit plus haute que celle de l’intelligence. Notre intelligence, en effet, n’épuise pas la réalité et nous devons vivre continuellement dans une réalité, ou devant la réalité, qui nous dépasse, qui est inépuisable, ce qu’ont senti tous les vrais poètes, tous les artistes et tous les êtres humains qui ont pratiqué quelque peu l’attention. Cette vie de l’esprit est synonyme de liberté intérieure, d’autonomie et constitue le fondement de la dignité humaine. C’est dans ce sens que Richard Bergeron écrit : «On devient spirituel le jour où on se saisit et où on agit comme sujet libre et autonome.» (p. 167)

C’est dans saint Paul, peut-être, qu’est le mieux décrit ce qu’est la spiritualité chrétienne. Il est significatif, à mon sens, que les auteurs modernes qui traitent de spiritualités parlent très peu de saint Paul. C’est qu’en réalité, la plupart ne parlent pas de spiritualité chrétienne.

Pour saint Paul, la spiritualité, c’est la participation existentielle à l’esprit même du Christ. Le Christ ressuscité nous envoie son Esprit. Saint Paul célèbre cette présence de l’esprit du Christ qui nous rend libres par rapport à tout ce qui n’est pas Dieu. «L’homme spirituel, dit-il, juge de tout et ne relève lui-même du jugement de personne» (1 Corinthien, 2,15). Nous n’avons pas, dit-il, «reçu l’esprit du monde, mais l’esprit qui vient de Dieu, afin de connaître les dons que Dieu nous a faits» (1Corinthien, 2,14). «Car le fruit de l’esprit est charité, joie, paix, longanimité, sensibilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi» (Galates, 5.22). Il décrit l’expérience concrète, par les croyants, de l’esprit du Christ, dans un texte qui est pour moi un des sommets de toute littérature, qui traduit une expérience spirituelle unique, qui n’a rien à voir avec le psychologisme et certaines formes de méditations orientales et occidentales : «La charité est longanime; la charité est serviable; elle n’est pas envieuse; la charité ne fanfaronne pas, ne se rengorge pas; elle ne fait rien d’inconvenant, ne cherche pas son intérêt, ne s’irrite pas, ne tient pas compte du mal; elle ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle met sa joie dans la vérité. Elle excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout» (1, Corinthiens, 13, 4-8). Cette spiritualité est un programme, un idéal, elle exprime les mouvements de l’être humain qui agit sous la pulsion de l’esprit. Ce qu’il y a d’excessif, dans la formulation même de cette démarche, «ne tient pas compte du mal», «croit tout», etc., affirme que la mesure humaine est ici dépassée, que le croyant accède à une dimension surhumaine. Saint Paul invente toutes sortes de formules pour suggérer cette expérience spirituelle d’un type absolument indescriptible : «Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux, d’où nous attendons ardemment comme sauveur le Seigneur Jésus-Christ.» (Philippiens, 3, 20). «Alors la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, prendra sous sa garde vos cœurs et vos pensées, dans le Christ Jésus» (Philippiens, 4,7). Et dans l’Épître aux Colossiens : «Le Christ tel que vous l’avez reçu : Jésus le Seigneur, c’est en lui qu’il vous faut marcher, enracinés et édifiés en lui, appuyés sur la foi telle qu’on vous l’a enseignée, et débordant d’actions de grâces (Colossiens, 2, 6). La spiritualité chrétienne, ce n’est pas une forme d’ascèse, un exercice psychologique quelconque, c’est l’accueil de l’esprit même du Christ, la participation à l’esprit même du Christ.

Cette spiritualité chrétienne n’est pas le privilège de certains spécialistes. Elle est le bien de tous les croyants et tous les croyants y ont accès à des degrés divers. Les gens le plus simples et les esprits les plus élevés y ont accès. Elle n’est pas nécessairement de l’ordre des grandes performances ascétiques même si elle est parfois illustrée par de grands ascètes et de grands mystiques. Mais ce qui la constitue, c’est la participation à l’Esprit même du Christ. On en voit les effets chez les saints qui ont illustré l’humanité depuis deux mille ans. Ce qui la caractérise, parce qu’elle est l’accueil de l’esprit du Christ, c’est une certaine joie, une certaine liberté indescriptible, une bonté qui n’est pas de ce monde et qu’on retrouve chez les vrais croyants, même les plus simples. C’est ce qui faisait dire à Pascal : «Nul n’est heureux comme un vrai chrétien, ni raisonnable, ni vertueux, ni aimable.» Et il ajoute plus loin : «Il n’y a que la religion chrétienne qui rende l’homme aimable  et heureux ensemble.» (pp. 169-171)

Le père de Lubac de son côté dit de la vie chrétienne, qu’elle «est la possession de soi dans la dépendance lumineuse de Dieu». Dans l’Esprit de Dieu qui est amour. L’essentiel de la spiritualité chrétienne, ce n’est pas l’ascèse, ce n’est pas l’exercice psychologique, c’est la participation de l’esprit de Jésus qui est amour. C’est ce que chante le Gloria in excelsis Deo, le chant grégorien, et je dirais la Neuvième symphonie, une cantate de Bach. La spiritualité chrétienne, c’est l’action de grâces, l’exultation parce que Dieu existe, parce qu’il est notre Père et que nous somme introduits dans son intimité. (p.173)»

Réf : La crise spirituelle du Québec. Bellarmin, Québec, 2012. Pour une spiritualité chrétienne. Chapitre 7. Pp. 167 - 173

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10 juillet 2012 2 10 /07 /juillet /2012 03:07

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En vous présentant ces extraits du livre de Paul-Émile Roy, j’ai l’impression d’entrer de plus en plus dans le cœur de mon sujet. Le Québec est capable de beaux fruits, en autant qu'il rencontre ses racines. J’ai hâte d’étaler ma réflexion personnelle et pastorale. J’ai le sentiment que vous comprendrez bien les bases qui solidifient ma position. Quelque chose me dit que cela vous permettra aussi d’esquisser une manière de reconnaître les choses et ce, à votre manière.

«J’aime citer le passage suivant de Bossuet : «L’homme sera toujours à lui-même une grande énigme, et son propre esprit lui sera toujours le sujet d’une éternelle et impénétrable question.» Le commandement, ce n’est pas de comprendre les hommes mais de les aimer. Croire en Dieu, ce n’est pas comprendre Dieu, c’est participer à son mystère, c’est s’ouvrir à lui, c’est l’accueillir en soi, comme on accueille un ami, un père, une mère. Nous mettons toujours dans nos moindres actes plus que ce que nous savons. Nous agissons à partir de l’inconnu qui est en nous. Nous parlons de révélation, d’Écriture Sainte. Ce qu’elle nous offre, écrit Auerbach, «c’est une participation et non pas une compréhension purement rationnelle.» Il ne s’agit pas de comprendre, mais de nous ouvrir au mystère des «choses incompréhensibles.» (pp.136-137)

Certaines gens voient l’existence de Dieu comme une atteinte à l’autonomie de l’homme. Or, c’est l’existence et la transcendance de Dieu qui fondent l’autonomie de l’homme. L’homme dépend de Dieu qui est transcendant comme il dépend de la lumière pour voir les objets, la réalité. La lumière ne paralyse pas notre vision, elle la rend possible. Et pourtant, on ne voit pas la lumière. On voit les objets éclairés par la lumière. (p.137)

Que notre connaissance n’épuise pas Dieu, cela est inévitable. Cela va de soi, Dieu étant d’un autre ordre que nous. Mais même les humains, nos semblables, nous ne les comprenons pas. Nous les connaissons, mais notre connaissance n’épuise pas leur entité. Connaître, ce n’est pas comprendre. Je comprends une règle de mathématique, je ne comprends pas une fleur, mais je la connais. L’idée de la co-naissance de Claudel est incontournable. On ne doit pas l’écarter. Connaître, c’est «co-naître», c’est «naître avec». C’est commencer à vivre autrement, enrichi par ce qu’on connaît. Transformé par ce qu’on connaît. (p.139)

Il n’est pas facile d’être croyant, dites-vous. Mais est-il plus facile d’être incroyant? En un sens, il n’y a pas d’incroyants. Même ceux qui ne croient en rien sont des croyants. Ils le disent bien, ils ne croient en rien, c’est-à-dire qu’ils croient que rien n’existe. Mais ils croient. Ce qui est le plus profond dans l’homme, le plus radical, ce n’est pas la raison, c’est la volonté d’être, le consentement à l’existence, le désir. C’est le sens de l’axiome des anciens : «Je crois pour comprendre.» La foi permet d’accéder à la connaissance. C’est dans ce sens que Jean Bédard écrit : «Seule la confiance permet l’expérience du monde.» La foi signifie qu’il y a plus dans nos actes que ce que nous y mettons. (p.141)

Que penser de ceux qui, comme Comte-Sponville, disent que ce qui compte, ce n’est pas la foi, mais la fidélité? « La fidélité, c’est ce qui reste de la foi quand on l’a perdue», écrit-il. Je comprends peut-être partiellement ce qu’affirme Comte-Sponville. On dit que la foi, c’est le ferment dans la pâte, c’est le sel de la terre qui la conserve. Il y a une culture chrétienne, une sagesse chrétienne qui sont des effets de la foi. Si la foi disparaît, cette culture demeure. On peut dire que l’art gothique est un produit de la foi, mais on peut aimer l’art gothique sans être croyant. On peut dire aussi qu’une foi authentique produit chez le croyant une grande sagesse, une profonde honnêteté. Cette sagesse et cette honnêteté peuvent rester si on perd la foi. On peut accepter une certaine sagesse chrétienne sans être croyant. Cela est sans doute vrai, mais j’aime à me rappeler ce que Jean Bédard fait dire à Maître Eckhart : «Lorsque la foi disparaît, apparaissent les croyances.» (p.142)

Ceux qui prétendent que la divinité du Christ aurait été inventée au troisième ou au quatrième siècle doivent expliquer les passages de l’Évangile de saint Jean où il est dit que Jésus était Dieu. C’est même parce qu’il prétendait qu’il était Dieu que les Juifs voulaient le tuer (Jean, 10,33). Certes, le mystère de Dieu reste total, mais que l’on soit croyant ou pas, il faut reconnaître que les premiers chrétiens prétendent que Jésus est fils de Dieu, qu’il est mort et ressuscité. Cette foi des premiers chrétiens est un fait historique. On ne peut expliquer autrement les Évangiles, les textes de saint Paul, les Actes des apôtres, et la naissance du christianisme. Et si l’on dit que la foi des premiers chrétiens était une chimère, alors il faut affirmer que l’Occident est construit sur une chimère.

Par ailleurs, que l’on soit croyant ou pas, on doit reconnaître que la Bible ne parle pas d’une mythologie comme les anciens Grecs et les anciens Romains ou les Hindous. Elle parle d’un Dieu qui se révèle en Moïse, par les prophètes, en Jésus. Les Romains ont bien compris que le christianisme contestait leurs croyances religieuses, remettait en question leur mythologie, et c’est pourquoi ils persécutent les chrétiens. (pp. 155-156)

La vraie révolution n’est pas une rupture. Elle est l’accomplissement, la réalisation, l’approfondissement de ce qui est en marche dans le temps.

C’est ma conviction que c’est sur ce fond ambigu que se fait bien souvent la critique de l’Église. L’Église est ancienne, elle a deux mille ans, donc elle est démodée, déclassée. Je ne conteste pas toute critique de l’Église, car elle est humaine, elle est enracinée dans l’histoire et, je l’ai écrit, il est inévitable qu’elle soit l’objet de la critique car elle n’est jamais à la hauteur de son message. Mais ce que je supporte difficilement, c’est trop souvent le caractère biaisé de ces critiques, leur caractère pharisaïque. Il est bien évident que certaines gens se réjouissent des malheurs de l’Église au lieu de s’en attrister et de l’aider à s’améliorer. On est plus exigeant pour elle que pour la société, mais tout de même! On dénonce la pédophilie dans l’église d’Irlande, des États-Unis, (du Canada) d’ailleurs, et on a bien raison. En même temps, la télévision, l’internet diffusent la pornographie à un rythme constant et on ne s’en scandalise pas. Je ne veux pas excuser l’Église, mais je garde la foi. (pp. 159-160)

Quand l’homme ne croit plus en Dieu, il arrive qu’il croie en n’importe quoi. Il arrive qu’il perde conscience de sa propre grandeur. Marcel Gauchet écrit : «C’est quand les dieux s’éclipsent qu’il s’avère réellement que les hommes ne sont pas des dieux.» Et il ajoute plus loin : «Le déclin de la religion se paie de la difficulté d’être soi.» Cela rejoint l’affirmation d’Auerbach que j’ai déjà cité : «Dieu en se révélant, révèle l’homme à lui-même.» En accueillant la Révélation, l’homme s’accueille lui-même. (pp. 160-161)

Certains diront : ce Dieu transcendant dont vous parlez, on ne sait pas qui il est, comment il se comporte, comment il agit. Je répondrais : cet ordinateur que j’utilise, je ne comprends pas son fonctionnement, mais je l’utilise, il me rend de grands services. Mais je dirais plus : mon corps, mon cœur, mon cerveau, je ne sais pas comme ils fonctionnent, mais que serais-je sans eux? La réalité nous contraint à nous reporter à l’au-delà de notre expérience. ( pp. 161-162)

La foi, ce n’est pas une expérience solitaire. C’est une expérience culturelle, historique, sociale. Dans la foi, je me sens solidaire des croyants de l’Ancien Testament, des premiers chrétiens, des apôtres, de saint Paul, de la chrétienté, des grandes œuvres de l’art et de la pensée. Rimbaud formule très bien ma foi, ma spiritualité : «J’attends Dieu avec gourmandise.» La foi, ce n’est pas une possession, c’est une ouverture. La spiritualité, ce n’est pas un exercice de toilettage, c’est une ouverture à l’Esprit. (p.165)

Une des tâches actuelles des intellectuels occidentaux, c’est de redécouvrir le christianisme, de redécouvrir l’inspiration qui a fait l’Occident. Tant que cette démarche ne sera pas faite, la modernité sera dans l’illusion, elle ne pourra pas se départir d’une certaine collusion avec la fausseté. Le monde moderne se raconte des histoires, il s’imagine que rien n’a existé avant lui et que rien ne lui succédera. Il est vrai, cependant, pour ce qui regarde l’avenir, qu’il est en train de miner les bases non seulement de la culture, mais de la vie. (p.165)

L’homme, le monde, la civilisation ne sont jamais à la hauteur du message chrétien. C’est pourquoi l’évangélisation est toujours à recommencer.

Pour parler de Dieu, du Christ, de sa divinité, il ne faut pas hésiter à employer les mots «mystère», «sacré», parce que nous parlons alors de réalités qui dépassent l’entendement.

L’Évangile n’est pas un système. Un système peut être remplacé. Il est au-delà des raisons et des explications. Penser, comme certains, que le christianisme a donné ce qu’il avait à donner et qu’il faut maintenant passer à autre chose est une immense illusion. Plus qu’une illusion, un fourvoiement aux conséquences incalculables. (p. 166)»

Réf : Paul-Émile Roy : La crise spirituelle du Québec. Bellarmin, Québec, 2012. La question centrale de la culture et de la spiritualité actuelles. Chapitre 5. Pp. 125 - 166

 

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10 juillet 2012 2 10 /07 /juillet /2012 01:50

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Auerbach évoque ce qu’il appelle le «créaturel». Le «créaturel», c’est l’être créé, faible, pécheur mais enfant de Dieu. Les scènes de l’Évangile où l’on voit le Christ avec les pécheurs, la Samaritaine ou les deux pécheurs sur la croix seraient impensable dans la littérature antique. La Révélation, ce n’est pas seulement Dieu qui se révèle, que se fait connaître, c’est Dieu qui révèle l’homme à lui-même, qui révèle la suprême dignité de l’homme.

Ce que montre Auerbach, c’est qu’après la venue du Christ, l’histoire change profondément. La vie humaine acquiert une dimension nouvelle, et cela transparaît dans la culture, la pensée, la langue, la littérature. Auerbach parle d’une «liaison verticale, montant de tout ce qui arrive sur terre pour converger vers Dieu», une liaison très «significative» qui transforme la vie humaine et l’histoire. Cela influence la langue, cela va donner le théâtre religieux du Moyen âge, le «mystère», un style concret, un réalisme inédit qui imprègne toute la culture occidentale. Il montre comment «l’Église se trouvait engagée de bien des manières dans le domaine de l’activité pratique.» Auerbach évoque saint Grégoire, évêque de Tours au sixième siècle, il parle de «son sens pratique et actif de la réalité qui fit de la doctrine chrétienne quelque chose qui put fonctionner au niveau de la vie terrestre et que nous avons maintes fois l’occasion d’admirer dans l’Église catholique.» Il parle du «mystère d’Adam, de la scène la plus simple à la réalité la plus haute, vérité cachée et divine.» Il montre comment La Divine Comédie de Dante est un produit de la conscience chrétienne, il retrouve chez Montaigne la conscience «créaturel», il affirme que la «situation stylistique» de Shakespeare remontre au «drame cosmique de l’histoire du Christ.» (pp118-119)

Je veux illustrer ici par ces exemples que dans l’Église, dans le christianisme, la vie sociale, la culture, la spiritualité sont intimement liées, sont inséparables. Même les hommes pécheurs issus de la barbarie portent avec eux, du fait de leur foi, de leur adhésion au Fils de Dieu, un ferment qui fait lever la pâte, qui produit toutes sortes de fruits. Les livres de spiritualité bien souvent semblent oublier cette dimension de la réalité, semblent se situer systématiquement en marge de la société et de la culture. Je vois dans cette attitude un refus inconscient de l’Incarnation. (pp. 121-122)

Pour désigner une certaine mentalité moderne, Alain Finkielkraut parle d’ingratitude, Milan Kundera de mentalité de procès. Je dirais que notre époque a mauvaise conscience en ce qui a trait à son héritage chrétien. Je m’explique ce phénomène de la manière suivante. Jésus est celui qui a le plus aimé les hommes, et les hommes l’ont tué, parce qu’ils ne veulent pas de l’amour, ils ne veulent pas être aimés, parce qu’ils ne peuvent rendre la pareille, et cela leur donne mauvaise conscience. C’est la mauvaise conscience qui empoisonne la planète. Il faut trouver un coupable. Le procès du christianisme que l’on dresse aujourd’hui n’est pas étranger au procès que l’on dresse à Jésus. (p.124)»

Réf : Paul-Émile Roy : La crise spirituelle du Québec. Bellarmin, Québec 2012. Se réapproprier l’héritage. Chapitre 5. Pp 109 – 124,

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