Les apôtres reviennent de leur première mission. Ils sont emballés par l’expérience. Jésus les invite à se retirer au désert et à se reposer. La foule, par contre, en redemande et elle devance les apôtres et les attend à leur arrivée. Jésus va à la rencontre de la foule alors que le apôtres se reposent.
Comme c’est le cas aujourd’hui, les apôtres auraient pu devenir les esclaves de la foule en manque; en manque de paix, de sérénité, d’amour et en quête de sens dans tout ce qui bouge. Ils auraient pu se dire trop occupés pour un tel repos. La situation est urgente et il faut y remédier au plus vite! C’est encore le cas de nos jours où les médias regorgent de nouvelles catastrophiques de toutes sortes; fusillade lors d’une fête de quartier à Toronto, l’horrible carnage dans un cinéma aux États-Unis. Pourquoi se mettre à l’écart alors que le monde a tellement besoin de missionnaires dévoués!
Je pense à la nécessité de la croix comme source de salut. Le pendant horizontal de la croix est bien fourni. Les réseaux sociaux regorgent d’une série d’influence à ne plus finir. Les réseaux twitter et facebook enlèvent les paramètres qui jadis stabilisaient une vie régularisée par un mode de vie dite décent. On est toujours à l’affût de la dernière nouveauté. En fait, il est tellement facile de se noyer dans cette manière de faire. Ce qu’il manque pour équilibrer la vie, c’est le pendant vertical de la croix. D’abord, le pendant vertical vers le bas où l’humain se retire pour retrouver sa profondeur d’être. Dans la foulée des mouvements sociaux, on entend tellement de choses qu’on se sait plus écouter. En entrant dans son for interne au cœur de son désert profond, on y retrouve une écoute attentive comme si ce qui a été entendu prend écho en soi. On n’est pas responsable de ce qu’on entend mais on peut répondre de ce qu’on écoute vraiment, de ce à quoi on fait écho en soi.
Comment loin en soi doit-on aller pour se rassasier? Il faut descendre à la limite du soi. Un instructeur de natation m’a un jour dit que seuls ceux qui ont peur de se rendre au fond de la piscine s’y noient. Seuls ceux qui ne vont pas au plus profond d’eux-mêmes afin d’y discerner une racine profonde qui soit source de vie en arrivent à souffrir d’épuisement professionnel. Si le monde porte en soi un cri primaire vers son Dieu, il revient aux apôtres de se retirer dans le désert de son être profond pour y décoder le message. Leur foi est de faire confiance en Jésus qui va à la rencontre des foules en manque et en souffrance. En est-il ainsi dans ma vie missionnaire? Est-ce que je me donne le repos nécessaire, sachant que Jésus reste auprès de ceux que j’abandonne pour un instant de répit? Il ne s’agit pas ici de refaire ses forces. Quel est le sens premier de ce dont je suis témoin?
Au fond de ma piscine intérieure, il y a un tremplin sur lequel je peux m’appuyer pour rebondir au-delà des démêlés sociaux qui préoccupent les médias. C’est la transcendance de l’homme qui émerge de ses profondeurs quand ces dernières sont atteintes et qui servent de tremplins. Là est le sens rédempteur du mystère de la croix qui fait de nous des témoins crédibles dans un monde en recherche de sens et de salut.
Est-ce que j'ai l'impression de me noyer dans les informations avec lesquelles on pollue ma vie spirituelle? La croix du salut est présente dans le monde d’aujourd’hui. On n’y voit que les pendants horizontaux. Suis-je capable d’entretenir le pendant descendant pour conserver ma profondeur d’être? Et de là, suis-je capable d’un élan tel que j’émerge des démêlés sociaux dans un geste de transcendance de laquelle je manifeste le besoin spirituel de ce monde en souffrance? Cette transcendance, c’est le sommet de la croix sur lequel est inscrit «Jésus, Roi des Juifs.»
On veut tellement croire en notre produit pastoral qu'il nous arrive d'en oublier les origines. On ressemble souvent à ce vendeur d’aspirateur qui s’acharne à vendre son produit à une cliente. Celle-ci a beau lui dire qu’elle n’a pas d’argent, il m’en démords pas. Il renverse une chaudière de fumier de cheval sur le tapis du salon. Devant la surprise de la dame, notre vendeur se fait rassurant. «Madame, ce que mon aspirateur n’avalera pas, je m’engage à le manger.» La dame de répondre: «Bonne appétit monsieur. On m’a coupé l’électricité hier soir!» Il avait pourtant entendu la dame lui dire qu’elle n’avait pas d’argent mais il n’avait pas su écouter! Est-ce notre cas?