Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
16 août 2012 4 16 /08 /août /2012 21:18

495734075505-0-BG.jpg

À l’occasion de mon ordination sacerdotale, j’avais pour thème «Une Église de pauvres à bâtir.» Vous pouvez croire que ce chapitre d’André Sève dans son livre Oui à l’Église publié chez Centurion en 1993 m’a interpelé. Je vous propose des extraits qui me font réfléchir.

«La pauvreté est un élément constitutif de l’Église parce que Dieu nous veut tous pauvres. Jésus a dit : «Bienheureux les pauvres», il a vécu en pauvre, et dans le pauvre il est réellement présent (Mt 25, 40). Les personnalités populaires dans l’Église, et même dans le monde, sont des pauvres qui se sont donnés à la cause des pauvres. On pense évidemment à Mère Teresa, à l’Abbé Pierre, à Sœur Emmanuelle, mais ils prennent tout naturellement la suite des saints les plus populaires pour la même raison : François d’Assise, Vincent de Paul, Bernadette, Jean Bosco… (pp.113-114)

Convertir les riches

L’appel à la pauvreté est universel. Et si l’on est riche? On se heurte ici à une nuance de l’Évangile qui est capitale. Luc dit : «Bienheureux les pauvres.» Matthieu précise : «Bienheureux les pauvres de cœur», c’est-à-dire ceux qui ont un cœur de pauvre. Alors, on hausse les épaules : c’est facile d’avoir un cœur de pauvre avec un bon compte en banque!

Eh bien non, ce n’est pas facile; il y a même une parole de Jésus qui fit peur : «Il est plus facile à un chameau de passer par un trou d’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu» (Mt 19,24). Alors, disent les disciples «très impressionnés», qui peut être sauvé? Il ne s’agit pas de discussions théoriques sur le fait d’être plus ou moins riche, il s’agit de vie perdu si on n’a pas perçu le danger de la richesse. (p.114)

J’ai lu tout ce que je pouvais trouver sur l’Église et les pauvres et c’est à force de méditer ces documents que j’ai compris l’importance de la conversion des riches. Quand ils ont vaincu en eux l’égoïsme et la peur de manquer, ils peuvent avancer vers la folie du partage. Sinon, ils ne voient même pas la misère, ce qu’on peut leur dire en ce sens ne les atteint pas, ils continuent tranquillement à faire tourner l’énorme machine qui ne cesse de fabriquer des pauvres dans le monde entier. (p.115)

Donner aux riches des yeux qui «verraient» les pauvres et parviendraient ainsi à changer leur cœur égoïste en «cœur de pauvre» serait la plus révolutionnaire des révolutions. Ces riches mettraient leur génie et leur puissance à inventer des processus économiques qui stopperaient la fatalité actuelle : des pauvres toujours plus nombreux. Oui, il faut des transformations structurelles, mais la première révolution, c’est celle qui pousse les riches à regarder enfin les pauvres. (pp.115-116)

L’Église des classes moyennes

Toute l’Église doit donc se convertir à la pauvreté de cœur en éliminant le faste, en acceptant une austérité qui permet le partage. Pas question de créer une Église des pauvres qui exclurait les riches. (p116)

Il a fallu le grand cri des pauvres d’Amérique latine pour que surgisse enfin la vraie question : «Où voyez-vous des pauvres dans l’Église actuelle?» Cette Amérique latine, pays de la foi et de la pratique, a fait même prendre conscience, au monde entier, d’une énormité : on prêche un Évangile d’amour et on laisse des chrétiens riches opprimer les pauvres! La théologie de la libération a ouvert bien des yeux en revenant sans cesse sur le cri de Dieu devant le malheur des Hébreux en Égypte : «J’ai pitié de mon peuple!»

L’Église des classes moyennes entre-t-elle assez dans cette pitié de Dieu? Pendant trop longtemps elle n’a regardé les pauvres que de loin pour leur faire l’aumône sans se dresser avec Dieu contre toute exploitation de l’homme par l’homme. (p117)

Mais l’Église pauvre, ce n’est pas l’Église des classes moyennes qui s’intéresse avec bonté aux pauvres, c’est l’Église qui se construit avec les pauvres. (p.11)

La précarité

Les théologiens d’Amérique latine pensent que les responsables de Rome réagiraient parfois autrement s’ils allaient voir sur place. Ils passeraient de la notion générale de pauvreté à ce que l’on appelle maintenant la «précarité». Ce n’est pas seulement un manque d’argent mais une mort sociale, une descente en enfer quand on se retrouve seul, sans logement, sans travail, et qu’on se retrouve en pleine ville opulente l’horreur de la faim. Ou quand une famille honorable sombre tout à coup dans la misère parce que le père est tombé malade sans couverture sociale. (pp. 119-119)

L’Église des encycliques sociales

La misère du quart monde, les bidonvilles qui sont nés partout, les milliers d’enfants à la rue au Brésil, la pauvreté au Sahel, ont changé le regard sur la pauvreté, cela se sent dans l’évolution des encycliques sociales, de Rerum novarum (Léon XIII) à Centesimus annus (Jean-Paul II). (p.119)

Rerum novarum tirait de sa réelle compassion des leçons de résignation. Les encycliques suivantes entreront dans la dénonciation vigoureuse : l’inégalité est devenue monstrueuse, elle n’est ni normale ni fatale. Des bras baissés devant la complexité ders mécanismes économiques, on passait à des jugements fermes et compétents : on doit changer et on peut changer ce qui abîme tant de vies. (p120)

Un autre monde, une autre culture

Il manquait encore ce qui fit passer enfin complètement de la résignation au puissant désir de libération : la découverte, en Amérique latine, que le monde des pauvres était beaucoup plus étranger à l’Église qu’elle ne le pensait. Il fallait qu’elle sente ce que veut dire survivre plutôt que vivre, ce qu’on doit endurer quand on est exploité injustement en avec mépris. (p.121)

Avec la voix des encycliques et des théologiens (qui lancèrent les théologies de la libération), le courage des prophètes martyrs, comme don Romero, a certainement mobilisé l’Église dans le combat direct contre la pauvreté.

Elle se battra d’autant mieux qu’elle ira sur le terrain. Ce fut l’immense chance des catholiques d’avoir un pape voyageur qui veut pénétrer dans le monde des pauvres. Jean-Paul II reçoit le choc de la misère, même quand on lui cache les bidonvilles et quand on filtre les messages des pauvres. Il a bien vu le lien entre l’action pour les pauvres et l’action sur les riches. Jamais l’Église n’avait parlé aussi clairement et publiquement que le pape au cours de son discours aux Indiens de Oaxaca. (pp. 121-122)

Renouveler toute la conscience ecclésiale

Avec sa sagesse intuitive souvent prophétique, Jean XXIII avait entrevu l’ampleur que prendraient les débats sur «l’Église et les pauvres». Un mois avant le Concile, il constatait que la terrible pauvreté de la plus grande partie du monde posait le défi à l’Église «de se rencontrer avec elle-même» (Gustavo Guttierez, dans La réception de Vatican II, situation de misère et d’injustice dans laquelle vivent les pauvres est un appel à renouveler toute la conscience ecclésiale. Tant qu’on ne va pas jusqu’à cette totalité, le souci de l’Église pour les pauvres risque toujours d’être considéré comme transitoire et même étranger à sa mission, à son être propre. (pp.122-123)

Medellin et Puebla, les théologiens de la libération, les communautés ecclésiales de base et les martyrs du combat pour les pauvres ont fait faire à l’Église un pas gigantesque. De l’Église soucieuse des pauvres qu’elle a toujours té, elle peut devenir maintenant l’Église elle-même pauvre. (p.123)»

Partager cet article
Repost0
13 août 2012 1 13 /08 /août /2012 19:22

DSC-0010.JPG

Dans son livre publié en 1993 chez Centurion, André Sève propose une méditation sur la sainteté de l’Église qui me fait réfléchir. Les arguments sont bons et d’actualité. Voici des extraits qui m’ont interpelé.

«En prélude à cette méditation, pensons à la parabole de l’ivraie : Jésus ne veut pas qu’on arrache l’ivraie de peur qu’on déracine en même temps le blé. Des arracheurs d’ivraie, il y en a eu de tout temps : il leur faut une Église pure et donc une Église de purs, une Église d’élite.

Eh bien, Jésus est net, il nous a appris une prière qui jusqu’à la fin du monde clamera que l’Église est pécheresse : «Père, pardonne-nous nos fautes.» Tout le monde, dans l’Église, doit reprendre sans arrêt cette demande.

Mais le Credo nous fait bien dire que l’Église est sainte? Oui, il faut partir de ce paradoxe et y rester : l’Église est à la fois sainte et pécheresse. Dieu accepte de déposer ses dons très saints dans des mains douteuses. Quand l’Église nous prend dans ses bras elle se salit, mais pour nous blanchir. Elle est une immense entreprise de purification : Jean Debruynne dit plus brutalement : une grande laverie. (pp. 101-102)

Le plus paradoxe, c’est qu’elle-même – la sainte! – doit se laver sans arrêt. Elle est semper reformanda, toujours à réformer. En la voulant, Jésus savait cela, il a plongé lui-même en pleine misère humaine. Ses paraboles, ses remarques, ses choix nous disent que lui, le Saint, il a pu vivre au milieu des péchés de l’argent, de la chair, de la haine, de l’orgueil. Sa sainteté n’était pas une sainteté de séparation et de dégoût surmonté, mais de totale solidarité. (p.102)

Mais, puisque cette Église de la conversion des pécheurs est elle-même à convertir, qui doit réformer l’Église? Tout chrétien, bien sûr, lève la main : «Il faut changer ceci et cela… Il faut qu’elle soit plus ferme… Non, il faut qu’elle soit plus souple.» Chacun voudrait une Église à son goût. Mais, fait remarquer le cardinal Ratzinger, «l’Église faite par nous aurait notre goût plus que le goût de Dieu». Et quelles inévitables étroitesses! Pour réformer l’Église, il faut parfois un concile, des synodes, toujours l’Esprit, souvent un saint, et chacun de nous mais bien à sa place. (pp102-103)

Temple de l’esprit

L’Église est sainte par la puissance de sanctification que l’esprit y exerce au milieu même de nos fautes et de nos lourdeurs, en respectant nos libertés, ce qui ne doit pas lui rendre la chose facile. (p.103)

Ce triple lieu d’action (Parole, Sacrements, Ministères) fait de l’Église l’Église de l’Esprit. Sans que pourtant il en soit l’âme. Sinon tout ce que fait l’Église serait l’œuvre de l’Esprit, ce qui est loin d’être le cas. Cette distance peut nous décourager (comment peut-il permettre tant de bêtises?), mais Dieu a voulu des fils, pas des robots. Tout ce qui se passe dans l’Église est un travail de l’Esprit dans notre travail. (p.103)

Ceux qui réussissent ce délicat mélange d’initiative et de docilité deviennent les saints qui font de l’Église le pays de la sainteté. L’Église n’a jamais manqué de saints. Jamais. Rien que cela, déjà, doit nous faire penser qu’elle est sainte. Aux heures les plus noires de son histoire, des hommes et de femmes font une révolution silencieuse, François d’Assise secoue une Église trop riche, Jean de la Croix et Thérèse d’Avila ouvrent les chemins de l’oraison, Ignace de Loyola réapprend à trouver Dieu en tout, Thérèse de Lisieux fait de la petitesse un envol. (pp.103-104)

(La sainteté) commence dès qu’un baptisé devient amoureux de l’Évangile. L’Église est sainte avant tout parce qu’on ne peut pas la fréquenter sans y attraper, consciemment ou non, le virus de l’Évangile. Que l’Église elle-même n’y soit pas toujours fidèle ne l’empêche pas d’être la formation permanente à l’Évangile. (p104)

Ses appels à la sainteté

L’Église est sainte par ses appels à la sainteté, qui n’ont jamais été aussi vifs et aussi universels. Quand nous sentons s’affaiblir en nous la volonté de devenir un saint, prenons Vatican II comme prédicateur, dans le fameux chapitre V de Lumen gentium : «L’appel universel à la sainteté». (p105)

Ces appels restent théoriques tant qu’on ne creuse pas l’idée que Jésus nous demande d’aimer nos frères «comme» lui-même nous a aimés. Puisque Jésus nous le commande, c’est possible. Saint Paul éclaire cette possibilité : «L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit» (Rm 5,5). La conscience d’être aimés par Dieu et de pouvoir, du même amour, aimer nos frères, nous introduit dans ce qui se vit entre le Père, le Fils et l’Esprit. Comme le Père m’a aimé, dit Jésus, je vous aime et je vous demande de vous aimer (Jn 15, 9-12).

Mais pourquoi cette sainte désespère-t-elle tant de gens?

Chaque fois que je suis mêlé à une discussion sur l’Église, j’entends la même demande : on voudrait voir un peu mieux sa sainteté dans ses discours et dans sa pratique de la miséricorde. Mais il y a là un terrible malentendu : ses discours, on ne les connaît que par quelques bribes, les plus menaçantes, et sa miséricorde, on la voit mal aussi, les médias s’arrêtant toujours au rappel fatalement dur de la vérité et de la discipline.

Résultat, on parle d’elle avec dérision ou révolte, et chacun se met à chercher tout seul son chemin alors qu’elle est là pour montrer et ouvrir les chemins de Dieu.

Je ne vais prendre qu’un seul exemple mais très typique : son attitude envers les divorcés remariés. Sainte, cette Église qui fait souffrir des gens pleins de bonne volonté pour bien repartir après un mauvais départ? Si on lit attentivement ce qu’elle dit à ce sujet, on ne voit pas une Église condamnante mais une Église malheureuse, écartelée entre sa mission de défendre le mariage et son désir d’être bonne envers ceux qu’elle appelle les «blessés de l’amour». (p.107)

Refuser la communion?

Mais alors, pourquoi refuser l’absolution et la communion à ces couples qui font parfois l’admiration par leur générosité et leur foi? Jean-Paul II donne deux réponses tirées de l’immense estime de l’Église pour le mariage. Premièrement, dut le pape, si on admettait ces personnes à l’eucharistie, les fidèles comprendraient mal la doctrine sur l’indissolubilité du mariage. Et il va plus profond : «Leur situation est en contradiction objective avec la communion d’amour entre le Christ et l’Église, telle qu’elle s’exprime dans l’eucharistie.» (p.108)

Cherchant manifestement une issue, l’Église fait d’ailleurs de plus en plus d’efforts pour garder près d’elle ses enfants malheureux. Ne pouvant pas transiger au sujet de l’indissolubilité du mariage, elle lutte sur tous les autres fronts. Et d’abord contre la communauté chrétienne elle-même si étonnamment excommuniante à l’égard de tous les divorcés Le pape dit à ces juges : «Essayez au moins de bien discerner les situations!» La femme que son mari vient d’acculer au divorce, il fait l’aider au maximum plutôt que lui fermer des portes.

Pour les divorcés remariés on est en train de faciliter le plus possible leur intégration, jusqu’à leur offrir d’être aumôniers de jeunes auprès desquels leur souffrance et leurs efforts seront une leçon sur la valeur du mariage. Le pape revient souvent à une idée fondamentale : «Tout chrétien est appelé à garder la foi et à grandir dans la foi. Vous, vous avez un chemin de foi difficile à trouver. Cherchez-le! Et que tout le monde vous aide.» (p.109)

L’Église n’est plus arrogante

L’Église a été arrogante. Elle a parfois fait tomber de haut et sur un ton insupportable des vérités et des condamnations qui la mettaient au-dessus des hommes plutôt qu’à leur service. Mais pourquoi ne pas accepter sa conversion? (p.110)

«On dit, on dit.» La sainte Église de Dieu devrait être plus attentive à ces on-dit. En mars 1993, à l’audience publique, Jean-Paul II a lancé : «Malheur au pape, s’il avait peur des critiques et des incompréhensions!» Très bien. Nous savons d’ailleurs que Jean-Paul II est taillé pour n’avoir peur de rien. Mais comment écoute-t-il les critiques et comment se fait-il comprendre? Les plus belles paroles de notre sainte Église sont cachées dans des textes longs et mal répercutés. Le rush sur le Catéchisme semble bien être un élan d’espoir : «Nous allons enfin savoir ce que Dieu attend de nous!» (p.111) »

Partager cet article
Repost0
13 août 2012 1 13 /08 /août /2012 01:35

401352 225352414210936 147031892042989 516062 505120813 n

Quand j’ai passé mon examen de juridiction en vue de mon ordination sacerdotale, le Code de droit canonique a été ma bête noire. Sans note de passage précise, j’étais sous la moyenne des candidats au sacerdoce. Comme j’étais fort en pastoral et en liturgie, on m’a quand même accepté à l’ordination. C’est dire à quel point la compréhension du Code de droit canonique n’est pas une évidence en soi. Dans son livre Oui à l’Église, paru chez centurion en 1993, André Sève nous propose une approche ajustée à notre manière de comprendre. Je suis surpris de la manière qu’il y met de la vie. L’Église ne saurait être sans son Code de droit. C'est comme la photo choisie pour ce texte. Regardez les détails et vous comprendrez mon expérience à la suite de cet auteur. Pour l'instant, laissons-lui la parole pour dire de belles choses.

«Je viens de faire la traversée du Code de droit canonique modèle 1983, Sans me noyer? Disons que je me suis ennuyé au long des 40 canons sur les charges ecclésiastiques, des 50 canons sur les biens temporels de l’Église, et surtout des 350 canons sur les procès, même si je ne conteste pas, bien sûr, leur place importante dans un ouvrage concernant le droit.

Pourquoi vous proposer de méditer sur le Code? Parce que c’est un des visages de l’Église. Et aussi à cause des derniers mots : «Ne pas perdre de vue le salut des âmes qui doit toujours être dans l’Église la loi suprême» (fin du canon 1752 et fin du Code).

Ce «salut des âmes» fait un peu rétro. Malgré les gros efforts de rédaction (vingt ans de travail, des centaines de participants talonnés par Jean-Paul II), on se heurte encore trop à la langue de bois ecclésiastique. Mais quand j’ai découvert dans la préface sur quels principes on avait bâti ce Code de 1983, j’ai eu envie de mieux connaître et de vous en parler.

En voyant d’abord tout bêtement pourquoi il faut un Code : un peuple qui rassemblera bientôt plus d’un milliard de catholiques dans le monde a besoin de précisions sur les droits et les devoirs de chacun. C’est même dans la mesure où les droits sont bien définis qu’ils sont le mieux garantis. Deuxième remarque de principe : le Code devait veiller sur la délicate coordination, spécifique de l’Église, entre le for interne (ce qui concerne la conscience de chacun) et le for externe (domaine social de nos actes extérieurs). (pp.85-86)

Vous aurez remarqué le délicat balancement entre, d’une part, le désir de favoriser la responsabilité à tous les niveaux et, d’autre part, l’obsession de l’unité. Le Code 1983 est encore traversé par l’affrontement qui marquera jusqu’au bout l’histoire de l’Église; collégialité contre primauté, Église des Douze contre l’Église de Pierre.

On retrouve la même valse-hésitation à propos de «l’égalité fondamentale de tous les fidèles». Dès qu’on salue cette égalité, surgit en contrepoids la hiérarchie. Toujours dans la préface, cette phrase caractéristique : «En raison de l’égalité fondamentale de tous les fidèles…» Beau départ! Mais en raison aussi «de la diversité des offices et des charges fondés sur l’ordre hiérarchique, il convient que les droits des personnes soient correctement définis et protégés».

De nouveau un coin de ciel bleu : «Ceci entraîne que l’exercice du pouvoir apparaisse plus clairement comme un service, que son usage soit mieux assuré et que disparaissent les abus.» (P.87)

Que l’exercice du pouvoir fait peur, même en terre chrétienne! Tout neuf, le Code porte cependant les cicatrices d’une longue histoire d’abus. Mais l’Église étant une histoire, il ne faut juger ses institutions et même ses faiblesses que dans une perspective historique. À ce point de vue, la lecture du Code est une véritable méditation sur les indéniables progrès des équilibres internes (égalité et hiérarchie!) et de l’adaptation aux évolutions du monde. (p. 88)

La messe en 60 canons

Je pense au refrain nostalgique : «On nous change la religion!» Mais, chers frères et sœurs, elle a toujours changé! On le voit bien quand on passe de l’ancien Code de 1917 au Code actuel. Par exemple au sujet de la messe, où il est prouvé, en 60 canons, qu’on peut faire du droit évolutif sans perdre ni la doctrine ni la ferveur. En gardant sa concision juridique, le Code définit remarquablement l’eucharistique. (On ne parle plus de «messe» mais de célébration eucharistique… sauf pour les honoraires.)  (p89)

Toujours avec la même extraordinaire économie de mots, les trois paragraphes du canon 899 donnent tout un cours sur l’eucharistie. La célébration eucharistique est une action du Christ lui-même et de l’Église, par laquelle le Christ, présent substantiellement sous les espèces du pain et du vin, s’offre à Dieu le Père et se donne en nourriture aux fidèles unis à son offrande.

L’accent est mis de nouveau sur la participation de tous. On est loin du prêtre qui s’isolait à force de tourner le dos et de marmotter du latin, et des fidèles tout aussi isolés, chacun dans son coin. Dans cette célébration, précise le Code, le Peuple de Dieu est convoqué en assemblée, et tous ceux qui y assistent, clercs et laïcs, y concourent en prenant une part active. (p.90)

Le canon 909 rappelle encore deux choses qu’actuellement on a tout l’air d’oublier : se préparer à célébrer et faire une action de grâces après la célébration. (p.91)

Le Code est aux petits soins pour le mariage

Première surprise heureuse quand on lit le canon 1055 en pensant aux vieux débats sur les buts du mariage. Hier c’était avant tout la procréation. Dans le nouveau Code il s’agit de construire «une communauté de toute la vie, ordonnée par nature au bien des conjoints». C’est dit en premier, après vient le reste : la procréation et l’éducation des enfants, l’ensemble faisant d’ailleurs, avec un peu de chance, une famille heureuse. On a ici (une fois de plus, car le Code est très Vatican II) un écho du beau paragraphe 48 de Gaudium et spes : «Le mariage est la communauté profonde de vie et d’amour que forme le couple.» (pp.91-92)

Toute une stratégie pastorale se déploie pour la réussite d’un mariage. Le canon 1063 prévoit : 1. La prédication, la catéchèse et les médias (eh oui!) pour une préparation lointaine. 2. Une préparation immédiate. 3. Une fructueuse célébration. 4. Et par la suite une aide apportée aux époux.

Nouveauté : quand on ne peut trouver ni prêtre ni diacre, un laïc bien choisi peut être délégué pour recevoir le consentement matrimonial au nom de l’Église. Mais «il faudra choisir un laïc capable de donner une formation aux futurs époux et d’accomplir convenable la liturgie du mariage». C’est une des poussées actuelles en faveur des fonctions ecclésiale exercées par des laïcs dits «autorisés». (p.92)

Du binôme au trinôme

On ne pouvait pas échapper au vieux couple laïcs-«ministres sacrés». Et pourtant le canon 207, qui présente ce binôme au départ du voyage dans l’organisation ecclésiale, l’enrichit en trinôme : il y a bien les laïcs et les clercs, mais aussi … les religieux!

Avant de détailler la chose il n’est pas inutile d’enfoncer de nouveau le clou de l’égalité. On a d’ailleurs voulu la marquer par un nom. On aurait pu se contenter de «baptisé», tous les membres de l’Église étant égaux à partir du même baptême. Mais on les nomme maintenant des christifideles, les fidèles du Christ. C’est excellent à rappeler quand on lira les cinq canons qui décrivent avec force majuscules, le Pontife Romain Pasteur Suprême de l’Église. Il n’y a qu’un Pasteur suprême, c’est le Christ. Tous les autres, du bébé qu’on baptise jusqu’au pape qu’on applaudit, sont des «fidèles du Christ». (p.93) 

On peut donc parler de trois pôles dans la vie ecclésiale (pôle disant relation réciproque) : la «sécularité», pôle des laïcs; l’«ordination», pôle des clercs; la «vie consacrée», pôle des religieux.

Autre division tripartite : le pape, les évêques et les prêtres. Avec leurs territoires : l’Église universelle, le diocèse et la paroisse. Tout cela bardé de «conseils» (pastoral, presbytéral, paroissial, etc.) que dans sa langue le Code appelle : «instances collégiales». Ce mot «collégial» est doux, surtout quand on découvre que dans la longue rivalité qui opposa depuis les débuts la collégialité épiscopale et la primauté papale, le Code 1983 marque une étape décisive en démarrant sur la collégialité. (p.94)

«Allons voir ce que dit le Code»

Maintenant nous savons deux ou trois choses de lui (le Code). D’abord un souci de protéger les droits de toute personne, ce qui demandait une précision de ciseleur d’idées et de mots. Et c’est bien le sentiment que je retire de cette exploration juridique.

Il y a aussi, tout le long, le débat entre égalité et hiérarchie, entre collégialité et primauté, entre bonté et nécessaires sanctions : cette recherche constante d’équilibre m’a passionné. Restent quelques duretés, comme la sèche exclusion de la communion les divorcés remariés.

Mais globalement ce droit est un combat en faveur de la justice et de la paix. Au lieu de dire des choses floues sur l’inhumanité de l’Église, je pense que la résolution à tirer de cette médication un peu insolite, c’est d’acquérir un réflexe : «Allons voir ce que dit le Code.»  (p.97)

Allons voir aussi ce que dit le fameux catéchisme

Le 16 novembre 1992, la France s’est jetée sur l’énorme (676 pages) Catéchisme de l’Église catholique. On le trouvait partout, même en allant acheter des cahiers à Uniprix. (p.97).

Mais ni la présentation de la Réforme liturgique ni le Code de droit canonique n’ont été achetés par une masse de curieux. Pourquoi cet engouement pour le Catéchisme? Il répondait manifestement à un grand besoin de repères. Le cardinal Ratzinger le qualifie de «phare» pour signifier que dans le monde catholique on naviguait à l’aveuglette : «Qu’est-ce qui est encore vrai?»

La grande erreur, maintenant, serait de s’accrocher à ce phare jusqu’à ne plus s’aventurer dans aucune recherche : «Est-ce que c’est dans le Catéchisme, oui ou non?»

Il y a certainement beaucoup de choses et très bien dites. Pour son dernier-né, l’Église enseignante a eu toutes les coquetteries: belle typographie aérée, aucune longueur (tout est découpé en 2 863 paragraphes), des résumés qui soulagent l’attention. Et pour trouver assez vite ce qu’on cherche, une cascade d’index : des thèmes, bien sûr, mais aussi des références bibliques, du Code de droit canonique, et neuf colonnes pour Vatican II!

Voilà un des apports incontestables du Catéchisme. Il met ses lecteurs en contact direct avec les textes de Vatican II dont on parle beaucoup sans les avoir jamais lus. (p.98)

Autre richesse plus surprenante : les soixante dernières pages. Les catéchismes comportaient traditionnellement trois parties : la présentation du Credo, les sacrements et la morale. Mais ce Catéchisme de l’Église catholique a un «plus» : une quatrième partie sur la prière. Des pages admirables qui révèlent un visage moins connu de l’Église : son souci de mettre les baptisés en relation vivante et très personnelle avec Dieu.

Utile rappel pour ceux qui penseraient qu’avec un catéchisme on a tout ce qu’il faut pour vivre en chrétien! Que serait un chrétien qui n’ajouterait pas à ce savoir la prière et l’action? C’est malheureusement cette tendance de la connaissance sans engagement que peut favoriser un tel monument du savoir.

Je l’ai adopté comme un ami. Pas comme prison. (p.99)»

Partager cet article
Repost0
12 août 2012 7 12 /08 /août /2012 03:50

270354 10150315493670549 586070548 9667147 4164318 n

Une réflexion sur le rôle du pape en Église n’est jamais facile. On ne peut pas dire Oui à l’Église selon André Sève, publié chez Centurion en 1993 sans parler du rôle du pape! Par contre, j’aime l’approche de l’auteur. Il nous présente ici un rôle évolutif. Mais à partir de quelle évolution? Ouvrier de l’unité, André Sève nous parle d’une vérité commune qui nous rassemble en un seul homme. Est-il le pape que nous voulons qu’il soit et devrions-nous être le Peuple de Dieu qu’il voudrait qu’on soit? Là est la réflexion qui devrait s’ensuivre.

«Pourquoi méditer sur les évêques avant de méditer sur le pape? Parce que l’Église n’est pas l’Église du pape, ce qu’on est tenté d’oublier soit par papolâtrie, soit par son contraire : un antipapisme qui récuse  a priori tout ce que le pape fait ou dit.

Ces deux outrances faussent les perspectives : l’Église est premièrement l’Église du Christ et de l’esprit. Deuxièmement, elle est l’Église égalitaire des baptisés. Troisièmement, elle est l’Église différenciée (hiérarchisée si on veut, mais au sens d’une hiérarchie de service) par la création des ministères, et en premier lieu les évêques, unis en collège.

C’est dans cette collégialité que se situe correctement le rôle du pape. Tout est faussé quand on met un ministère ecclésial, fût-ce celui du pape, au-dessus et en dehors d’un ensemble de baptisés : paroisse, diocèse, Église universelle. (p.73)

Le pape a évidemment un rôle spécial, capital, comme ouvrier de l’unité, mais à l’intérieur de la couronne des évêques. Cela, c’est la théorie! La réalité vécue n’a cessé d’opposer des ensembles d’évêques (la collégialité) à la primauté du pape. Les deux pôles sont nécessaires, mais aucune théorie ne peut fixer leur équilibre instable. Seul, ici, peut parler un vécu très concret : le caractère du pape et le style de son époque, qu’elle soit tentée par l’autorité ou par la démocratie. (p.74)

«Vécu!» C’est vraiment le mot clé de cette médiation sur la difficile mission du pape, parce que les théories sont nécessaires mais débouchent toujours sur la question concrète : «Comment tout ceci est-il vécu en réalité, et par quel homme?» (p74)

Quel homme, le pape?

On a beau s’en défendre, on a du mal à accepter que le pape ne soit pas «le pape» mais un Pie XII ou un Jean-Paul II. Homme d’un pays, d’une lente formation humaine et religieuse, et d’un caractère qu’il peut améliorer mais pas totalement changer. Comme nous!

Je repense à ceux dont j’ai pu suivre les faits et gestes. Pie XI, mon pape de la JOC, l’homme qui se dressa contre le communisme et les fascismes. Pie XII, que j’admirais pendant mes études à Rome, hiératique, enfoui dans la prière, et inlassable professeur de morale. Jean XXIII, surprenant mélange d’humour, de conservatisme et d’audace, se faisant aimer comme jamais pape n’avait été aimé, devenant un saint par sa totale docilité à l’égard du Saint-Esprit. Paul VI, l’animateur tourmenté de Vatican II, inventeur de l’Église dialoguante, réformateur de la Curie, lanceur du Synode des évêques, merveilleux rédacteur «d’Evangelii nuntiandi», le plus beau document sur l’évangélisation, mais déchiré jusqu’à sa mort par la mauvaise réception «d’Humanae vitae», son encyclique sur la vie, lue comme un non à la pilule. Cœur brûlant et pape mal aimé.

Et Jean-Paul II? Peut-on méditer sur la papauté sans penser constamment à ses voyages, aux foules fascinées qui l’applaudissent (sans faire ce qu’il demande!), roc physique et moral, imperturbablement long dans ses encycliques comme dans ses moindres allocutions. (pp.75-76)

Tout part de la primauté de Pierre

Chaque catholique rêve son pape, mais ce n’est pas très utile si on ne va pas chercher des vérités sur la papauté dans deux lieux où elle est à l’épreuve du vécu : l’histoire et le jugement des autres Églises (orthodoxe, anglicane, luthérienne, réformée, évangélique, pentecôtiste). (pp. 76-77)

La longue histoire, où peu à peu l’évêque de Rome devient celui en qui on verra un jour le chef de l’Église universelle, part de la primauté de Pierre. La seule chose sûre au sujet des intentions de Jésus, c’est la collégialité avec son nécessaire leader : il a créé le groupe des Douze et il a fait particulièrement confiance à Pierre. Tout va jouer ensuite sur ces deux pôles : un collège et un chef.

Rome est vite reconnue comme «l’Église dans laquelle le charisme de Pierre est présent». Mais cette chamnpionne de l’unité et de la tradition aura à faire constamment ses preuves : rien n’est jamais assuré, parce que la vie commande.

Rome devra lutter, à partir de Constantin, contre sa propre tentation impérialiste qui ne la lâchera jamais plus et la rendra réticente envers tout pluralisme. L’extraordinaire vitalité théologique au temps des sept premiers conciles révèle pourtant que l’Église du Christ était à ce moment puissamment collégiale.  (pp.77-78)

La tendance centralisatrice

L’événement le plus marquant de l’histoire de la papauté, à cause de ses conséquences, fut le Grand Schisme à la fin du Moyen âge. Pendant plus de quarante ans, de 1378 à 1417, on n’a plus su quel était le pape légitime, d’où une certaine victoire de la collégialité par le renforcement de l’influence des évêques dans les rapports mouvementés entre concile et pape. La forme la plus modérée du «conciliarisme» peut se définir ainsi : «En soi, le pape a la plénitude du pouvoir, mais en cas de besoin le concile est l’instance de contrôle qui juge les actes du pape» (Schatz, p. 160) (pp.78-79)

Et pourtant la tendance à mettre le pape «au-dessus» de tout grandit dans les esprits et par les institutions. Malgré le flou concernant les rapports entre la papauté et les évêques, le concile de Trente prouve que c’était bien le pape qui pouvait mener la dure affaire de la réforme de l’Église. Avec l’inévitable développement de la centralisation. (p.79)

La dévotion au pape

Une telle montée en puissance est-elle le fruit de l’ambition romaine? Certains le penseraient volontiers, et c’est vrai qu’il y a dans le pouvoir le goût d’un pouvoir toujours plus grand. Mais l’historien Tocqueville voit les choses autrement : «Le pape fut plus excité par les fidèles à devenir le maître absolu de l’Église que les fidèles ne le furent par lui à se soumettre à cette domination» (Schatz, p.221).

Cette remarque nous pousse à méditer sur notre propre attitude à l’égard du pape. Le vrai respect à son égard, c’est de le protéger contre l’inévitable griserie du pouvoir (et celui-ci est si grand!) par notre propre vivacité de jugement et notre volonté de participation. Le contester peut être parfois la plus réelle volonté de l’aimer et de l’aider, même si, naturellement, les papes aiment mieux les bravos que les critiques.

Avec Pie IX et son charme personnel, on va passer de l’institution ecclésiale à la dévotion au pape. C’est alors que commencent les voyages à Rome «pour voir le pape». Derrière ce vedettariat insolite qui finirait par faire oublier qu’en Église les regards ne peuvent se tourner que vers le Christ, on peut déceler deux grands désirs nettement catholiques.

D’abord la soif d’unité. J’ai connu à Rome. Place Saint-Pierre, en criant «Vive le pape!» on vivait l’exaltante pensée d’être membre d’un prodigieux ensemble : «C’est ça l’Église, et j’en fais partie!» Une telle unité mondiale réclame un génie rassembleur. Peu à peu on va se convaincre que dès qu’on touche au pape on touche à l’unité.

L’autre hantise, celle qui va faire de Vatican I le concile de l’infaillibilité pontificale, c’est le besoin d’une vérité sûre, bien claire, et ne bougeant plus. La défiance envers la recherche théologique vient de cette véritable supplication que j’ai entendue plus d’une fois : «Ne touchez pas à nos certitudes!»

Mais l’Église de l’immuable n’est pas l’Église de l’Esprit, de la double ouverture aux évolutions du monde et au déploiement de l’intelligence des mystères. Schatz pose bien la question de Vatican I : «L’Église doit-elle se manifester sous le signe d’une autorité ferme et inébranlable, ou doit-elle se manifester davantage comme une réalité historique qui est elle-même exposée au changement, et qui accepte le développement moderne des libertés comme étant conforme à l’Évangile?» (p.228)

(…) à quoi il faut ajouter que l’infaillibilité n’est pas une illumination personnelle, mais le résultat d’une écoute de toute l’Église : c’est par le Peuple de Dieu tout entier que l’esprit parle au pape, c’est à l’Église tout entière, mais s’exprimant le plus souvent par la voix du pape, que le Christ a promis qu’elle n’errerait jamais. Plus le pape est seul, moins il est le pape voulu par Jésus Christ quand il a construit son Église sur le collège des apôtres. Le titre si pesant de «souverain pontife» s’est toujours heurté au contrepoids de la collégialité. C’est ce que nous enseigne l’existence même des autres Églises chrétiennes. (pp. 80-82)

Le regard des autres Églises sur le pape

Après ces leçons de l’histoire qui montrent à quel point le rôle du pape est évolutif, une autre approche s’impose : comment les chrétiens non catholiques regardent-ils le pape? (pp.82-83)

Chaque Église a ainsi sa vérité qui sera le cadeau qu’elle mettra dans la corbeille quand se feront les noces de l’unité. Mais le fait que ce soit justement cette valeur qui est refusée par les autres montre le deuxième pas à faire. (p.83)

Pour caractériser ce pas, on utilise le terme grec de «metanoïa» qui signifie conversion, en lui donnant ici le sens d’une conversion non pas individuelle mais de toute une Église. Pourquoi proposer aussi carrément à chaque Église une telle «metanoïa»? Parce qu’il est assez facile de voir que la fameuse par imprescriptible de sa vérité est aussi le lieu de sa grande tentation. (p.84)

Puisque maintenir l’unité est le plus grand service qu’il puisse rendre à l’Église universelle, toute méditation sur le pape devient une méditation sur l’unité. Mais dès qu’on dit unité surgissent à la fois l’effarante diversité des catholiques et la diversité de nos frères des autres Églises. On pense alors modestement et affectueusement à cet homme qui a besoin de nous tous pour servir la plus immense et la plus tumultueuse des unités. (p84)»

 

Partager cet article
Repost0
10 août 2012 5 10 /08 /août /2012 03:34

ATT242735-1-.JPG

 Le sujet m’a fait sourire. Il faut avouer qu’on ne connaît pas tellement le rôle de nos évêques. Pourtant, ils constituent l’Église comme tous les baptisés. Ils ont un rôle spécifique. Je dois avouer que la lecture de ce chapitre de André Sève dans Oui à l’Église, publié chez Centurion en 1993 m’a beaucoup éclairer. J’espère qu’il en sera ainsi pour vous tous.

Servir

Nous avons plongé dans une mer : l’égalité baptismale. Nous allons y retrouver le monde ecclésial des différences : pape, évêque, prêtres, où l’inégalité aura toujours tendance à prospérer. Sauf si on redonne à toutes les Grandeurs et aux Excellences le caractère évangélique de service que demande instamment Jésus : «Vous savez bien que chez les païens, les chefs font sentir leur domination. Il n’en sera pas ainsi entre vous. Bien au contraire, celui qui veut devenir grand parmi vous devra être votre serviteur. À l’exemple du Fils de l’.homme qui n’est pas venu pour se faire servir mais pour servir» (Mt 20, 25-28) (p.59)

Au moment de parler des nécessaires responsabilités de chef dans l’Église, il faut garder ce texte à l’esprit. Il devrait être exposé en gros caractères dans tous les bureaux, les accueils et les salons où l’on attend des galonnés de l’Église des paroles et des attitudes de service fraternel. On marche  d’ailleurs manifestement vers cela malgré quelques attardés de l’.autorité «païennes». (p.60)

Vous êtes le Corps du Christ

Les historiens peinent à suivre la mise en place de ces ministères dans les Églises fondées par les apôtres. C’est si bien décrit dans l’admirable livre aussi simple que clair d’Henriette Danet et Claude Royon, L’Église tout simplement, dont je vais citer la page 133, en commençant par le texte de saint Paul qui ramène toute méditation sur l’Église à l’idée fondamentale du corps dans lequel chaque membre rend service à sa manière. (p.60)

Le foisonnement des ministères

Et voici comment H. Danet et C. Royon résument le foisonnement des ministères tel qu’on le perçoit dans les textes du Nouveau Testament.

1.     C’est d’abord chaque membre de la communauté qui est en situation de service et de mission. (…) Quant aux services et ministères, ils sont nombreux et variés, différents selon les situations. Si certains exercent un service particulier, c’est sur la base de l’appartenance de tous, et donc les ministres, au même corps. (…)

2.     Il se dégage toujours un ministère particulier. (…) Mais nous trouvons toujours un groupe responsable de l’ensemble de l’Église et de sa mission. (…).

3.     (…) Le ministère de présidence est un don de Dieu à son Église. Ce n’est pas la communauté qui l’établit. En ce sens, la dualité entre ces quelques-uns (ministres) et tous (la communauté) symbolise, manifeste, la dépendance de l’Église à l’égard de son unique Seigneur, le Christ. C’est lui qui l’a rassemblée par sa Parole, et c’est lui qui l’envoie en mission. Ce n’est pas elle (la communauté) qui d’elle-même a décidé de se rassembler.

4.     Les ministres, tout comme les communautés, doivent être en communion avec le groupe originel des Apôtres les témoins de la résurrection de Jésus.

5.     Le ministère principal, ou apostolique, assume trois fonctions, a)Il annonce l’Évangile, b) il veille sur la communion dans chaque communauté et entre les communautés, c) Il est caractérisé par le service; c’est un ministère diaconal. (pp.61-63)

Un homme simple et chaleureux

L’histoire de l’Église montre que les ministères peuvent toujours évoluer. Actuellement, des questions délicates se posent à propos des laïcs qu’on appelle «animateurs pastoraux» (…) Pendant longtemps, quand on pensait Église on ne pensait qu’à deux ministères : évêques et prêtres. Maintenant revient en force un troisième ministère ordonné : les diacres (permanents). P.63

Reste que le ministère le plus important est celui de l’évêque. Si important que l’égalité baptismale et la modestie de serviteur étaient sérieusement mises à mal par la mitre, la crosse et des titres délirants : Sa Grandeur, Son Excellence, Éminence révérendissime. (pp.63-64)

Mais là encore, quelle évolution! L’auto, les médias et mai 68 qui démocratisait tout, ont fait de cette excellence lointaine et toujours bourgeoise (il habitait un palais!) un homme qu’on voit souvent, simple, chaleureux, à qui (on s’adresse par son prénom).

Comment devient-on évêque?

Ce fut d’abord par élection : «Qu’on ordonne comme évêque, dit fermement la Tradition apostolique d’Hippolyte au IIIe siècle, celui qui a été choisi par tout le peuple.»

Apparemment c’est l’idéal, mais les problèmes d’élection surgirent, comme dans toutes les élections. Des clans se formaient, entraînant des divisions et des violences. Bientôt jouèrent, et de plus en plus, des pressions de toutes sortes. Pendant des siècles les autorités civiles exercèrent un pouvoir de nomination, ou en tout cas un droit de veto. Si bien que progressivement le pape a pris en main la nomination de tous les évêques du monde. Comme toujours, le Code de droit canonique est d’une précision chirurgicale. (pp. 64-65)

Cela en dit long sur ce que furent les pressions, les longues querelles et les trafics au bout desquels triomphait un évêque plus ou moins digne de l’être. Mais comment ne pas penser aux déceptions et parfois aux révoltes d’un diocèse à qui Rome impose encore un évêque contre son gré? Certes, le Vatican reçoit force renseignements avant même d’arriver à la terna finale (trois noms soumis à son choix). Et le Saint-Esprit doit s’intéresser à la chose. Mais comme il est excessivement respectueux de toutes les libertés, y compris celle du pape, impossible de ne pas considérer cet énorme pouvoir de nomination comme le moyen idéal de construire peu à peu l’épiscopat mondial que souhaite le Pontife suprême, pour parler comme le Code. (p. 65)

«Mon évêque, qui es-tu?»

Le prêtre qui est ordonné évêque reçoit la plénitude du sacrement de l’ordre. Il faut trois évêques pour cette ordination. Ce n’est pas une question de faste, ils prouvent que le diocèse qui reçoit son nouvel évêque fera bien partie de l’Église universelle. Le nouveau venu entre dans le grand corps de plus de 4 000 évêques du monde (en 1993!). (p.66)

L’évêque n’est donc ni le délégué du pape ni le délégué d’une communauté : il est le délégué du Christ et du Saint-Esprit. Mais, bien entendu, en liaison étroite avec son peuple diocésain et avec le Vatican.

C’est pour porter tout cela qu’il est ordonné. Il reçoit le même sacrement que le prêtre, mais dans une plénitude qui lui permet entre autres d’ordonner ses prêtres, de confirmer, et de jouer son rôle dans le corps épiscopal tout entier.

Encore un mot pour définir cet aspect de la vie d’un évêque : elle est «collégiale», c’est-à-dire jouant toujours dans des groupements, ceux des évêques pour l’Église universelle et ses multiples conseils pour son diocèse.

Son rôle par rapport à l’Église universelle peut paraître un merveilleux alibi pour d’innombrables déplacements («Il n’est jamais dans son diocèse!»). Pourtant, Vatican II est formel sur l’aspect peut-être le moins connu de la charge épiscopal : son ordination ne lui met pas sur les épaules en premier lieu un diocèse, mais le monde entier. Je crois que cela vaut la peine de citer le texte même de Vatican II, qui décrit ainsi le double rôle de l’évêque : l’Église universelle et son diocèse. (p.67)

Les quatre missions de l’évêque

Avant tout, l’évêque doit avoir l’obsession de l’évangélisation. Il faut y insister, car c’est la caractéristique d’un ministère ecclésial. L’évêque existe pour un petit de donnés au Christ et pour tout le diocèse à éveiller au Christ. (p.68)

Deuxième mission : enseigner. Annoncer le Christ, prendre position sur telle ou telle affaire, ce n’est jamais suffisant, il faut éclairer, expliquer. Si, par exemple, chaque évêque avait mieux enseigné Vatican II, ce fantastique réveil d’Église n’aurait pas sombré si vite dans l’assoupissement ou les divisions catastrophiques entre intégristes et férus de nouveautés.

Troisième mission : sanctifier. On songe bien sûr aux belles cérémonies dans la cathédrale ou dans une petite église qui vit le grand moment de la visite épiscopale. Le cardinal Decourtray me disait qu’il emportait toujours sa mitre et sa crosse pour la plus petite célébration parce que les participants aiment bien contempler le signe le plus solennel de leur union à l’Église par leur évêque. (p.69)

C’est dans cet esprit que les évêques peuvent assumer avec le plus de profondeur possible leur quatrième mission : gouverner, et cela veut dire assurer l’unité, former des chrétiens responsables, disponibles au changement, faire circuler l’information pour que le diocèse  soit un lieu où l’on s’aime et où l’on bouge. (p.70)

«Au début, ils voulaient ce synode contre moi!»

L’évêque comme chef de diocèse est donc finalement un homme à découvrir. Cela se fait actuellement dans le remue-ménage de l'aventure synodale.

Synode : voilà de nouveau un mot qu’on peut trouver barbare tant qu’on ne connaît pas son sens éblouissant : la mise en marche «ensemble» de tout un diocèse. (p.70)

Inutile de se leurrer : un diocèse habituellement, c’est plutôt la passivité d’une masse consommatrice de produits religieux comme la messe, le baptême, le mariage et l’enterrement. Soudain l’évêque, de lui-même ou poussé par un noyau actif, se dit qu’on ne peut plus continuer à ronronner et à gémir. Pas de vocations? Pourquoi? Déclin des paroisses? Que faire? Indifférence croissante? Comment la secouer?

Le miracle synodal, c’est qu’on va ébranler et réunir pendant plusieurs années des gens totalement différents et auxquels l’Église ne disait rien de bon. À la clôture, les voilà transfigurés, fraternels à n’y pas croire, et demandant à être embauchés dans tel ou tel secteur d’Église. (p.71)

 

Partager cet article
Repost0
9 août 2012 4 09 /08 /août /2012 00:55

0093c4b2.jpg

Dans son livre Oui à l’Église publié chez Centurion en 1993, André Sève aborde une question épineuse qui est encore d’actualité. Comment se côtoient le clergé et les laïcs dans un projet pastoral? À trop encadrer les efforts humains, on en arrive à donner l’impression qu’il faut castrer les insoumis, c’est-à-dire orienter l’effort à partir d’une castre sociale admise par tous. L’émergence des différents mouvements religieux et autres deviendrait-elle la justification à un retour aux valeurs plus traditionnelles? Allons voir ce qu’en dit l’auteur.

«Par quelle malheureuse évolution l’Église de l’égalité baptismale est-elle devenue l’Église de l’inégalité pasteurs-moutons? Un texte de Pie X est souvent cité parce qu’il décrit imperturbablement une Église de baptisés si opposés qu’on crierait à la caricature. C’est pourtant bien sur cette dichotomie délirante que nous avons vécu jusqu’à ces dernières années; en sortir ne sera pas facile.

«L’Église, écrit Pie X, est une société inégale comprenant deux catégories de personnes, les pasteurs et le troupeau, ceux qui occupent un rang dans les différents degrés de la hiérarchie et la multitude des fidèles. Et ces catégories sont tellement distinctes entre elles que dans le corps pastoral seul résident le droit et l’autorité nécessaire pour promouvoir et diriger les membres vers la fin de la société. Quant à la multitude elle n’a d’autre devoir que celui de se laisser conduire et, troupeau docile, de suivre ses pasteurs.» (Encyclique Vehementer, 11 février 1909) pp. 47-48

L’égalité baptismale

Quand on met en parallèle avec cette citation les textes de Vatican II, on se dit que l’esprit a vraiment soufflé fort. Description de l’Église, Lumen gentium met immédiatement en valeur une égalité : le baptême. C’est à partir de cette égalité fondamentale qu’il faut toujours aborder la nécessaire diversité des situations et des fonctions. Et là revient la notion de pasteurs, non au-dessus d’un troupeau et même pas en vis-à-vis oppositionnel, mais «dans» le même peuple de Dieu. Qui n’a qu’un vis-à-vis : le Christ. Et un inlassable inspirateur : le Saint-Esprit. L’Église est l’Église du Christ et de l’esprit. Dès que quelque chose grince, dès que des questions difficiles se lèvent, c’est à ce roc qu’il faut s’agripper pour reprendre l’élan ou stopper une panique. (p.48)

Vatican II nous a non seulement installés dans l’égalité, mais aussi dans le positif. Le regard sur le laïc ne s’arrête plus à un candide négatif («le laïc est celui qui n’est pas prêtre»). Très positivement, le Concile développe ceci : le laïc est celui qui dans l’ensemble de l’Église a sa mission spéciale. Quelques textes significatifs, cueillis dans les Nos 31 et 32 du chapitre de Lumen gentium consacré aux laïcs, décrivent ce nouvel esprit : (…) La vocation propre des laïcs consiste à chercher le règne de Dieu à travers la gérance des choses temporelles. Ils sont engagés dans les devoirs et travaux du monde, dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociale dont sont appelés par Dieu pour travailler du dedans à la sanctification du monde, en exerçant leurs charges sous la conduite de l’esprit évangélique, et pour manifester le Christ avant tout par le témoignage de leur vie. Il leur revient d’éclairer et d’orienter toutes les réalités temporelles auxquelles ils sont étroitement unis. (p.49)

Si la victoire sur la séparation entre le clergé et la masse des fidèles n’est pas encore gagnée, un mouvement est lancé : retrouver la dimension communautaire de l’Église, travailler tous en parfaite égalité et ne plus lever les yeux que vers un seul sommet : le Christ. (p.50)

Le «Peuple» de Dieu, c’est tous les baptisés. Tous!

Mais la division clercs-laïcs reste si ancrée dans les esprits qu’on est toujours tenté de casser la si belle expression «Peuple de Dieu» en s’arrêtant à «peuple». On regroupe alors dans ce «peuple» les laïcs qui continuent d’être «le peuple», sur lequel règne la hiérarchie pastorale : pape, évêques, prêtres. (p.50)

Même l’expression «laïcat» n’est pas tellement heureuse parce qu’elle coagule ce qui devrait rester la fluidité des fonctions dans un ensemble. Tellement bien défini par saint Paul qu’on n’aurait jamais dû l’oublkier : «Si nombreux que nous sommes, nous ne formons qu’un seul corps dans le Christ. Nous sommes membres les uns des autres, tout en ayant des dons différents» (Rm 12, 5-6)

Difficile, en partant de là, d’inventer des fanfreluches et des podiums. Et pourtant on s’est dépêché de le faire, les services se sont mués en supériorités. Faut-il donc revenir à la fraternelle simplicité des débuts? Non, le cardinal Saliège disait que ce sont là des conceptions fœtales. L’Église a immensément grandi, elle a besoin de chefs. C’est dans ces lourdeurs et des nécessités, et non par un retour à des situations qui n’existent plus, qu’il s’agit de construire et défendre farouchement une organisation différenciée mais égalitaire. (p.51)

On voit bien vers quoi il faut aller : la relation horizontale. Ne jamais se penser au-dessus ou au-dessous. Purifier le pouvoir dès qu’il pollue l’esprit de service par des questions d’orgueil ou de susceptibilité. Ne plus laisser l’ancienne hiérarchie prêtres-laïcs dans ses réflexes de concurrence. Tout le monde y perd.

Je sais bien qu’on ne se dégagera pas facilement des vieux comportements. Jésus y fait allusion : «Qui a bu du vin vieux n’en désire pas de nouveau, il dit : «Le vieux est meilleur»» (Lc 5,39) Tant qu’il y aura des gens (prêtres et laïcs!) rivés à leur vin vieux, en entendra les «Qui commande ici?» Mais que les nouvelles générations se dépêchent de réaliser une Église réellement fraternelle. (p.52)

Quels moutons?

Il faut être juste : de leur côté les moutons ont trop bien accepté la passivité. L’Église de la hiérarchie c’est aussi l’Église de la consommation : «Nous voulons un curé… Je voudrais une messe… J’aurais besoin de me confesser, de me marier… On voudrait un prêtre pour des obsèques…» Toutes ces demandes sont bonnes, mais elles exigent une contrepartie : que les laïcs s’engagent à fond pour qu’il y ait des prêtres, pour que les paroisses et les mouvements soient vivants, pour que le Christ soit annoncé par leur témoignage au bureau, dans les ateliers et les magasins. Les laïcs se sont trop habitués à être de braves moutons, pourvu qu’on ne leur demande qu’une présence passive et un peu d’argent. (pp.52-53)

Saint Nicolas de Flue disait que le plus grand honneur, au ciel et sur la terre, c’est l’obéissance. Pour éviter tout malentendu il s’empresse d’ajouter : «Appliquez-vous donc à vous obéir les uns aux autres.» Ce «donc» est sublime, il remet à l’horizontale la verticalité de l’obéissance, les nécessaires pouvoirs sont relativisés par les alternances : aujourd’hui tu me commandes, demain c’est moi qui prendrai l’initiative; dans cet autre domaine, je suis heureux de t’obéir, dans cet autre domaine c’est à toi de me faire confiance.  (p.53)

En ce sens, la raréfaction des prêtres aura été une chance. On verra de moins en moins le berger qui faisait tout, face aux moutons qui se contentaient d’être là. Les catéchistes furent la première grande floraison de l’activité ecclésiale des laïcs. Maintenant se lèvent les animateurs pastoraux (…). Il se crée des situations où ça paraît normal de voir une femme diriger un groupe qui comporte des prêtres, ou enseigner dans un séminaire. (p.54)

Le plongeon des laïcs dans les eaux sociales

On voit venir le danger : arracher les laïcs à leur tâche spécifique, l’évangélisation de la vie sociale, le Règne de Dieu pas seulement en milieu ecclésial mais partout où des hommes vivent. (p.54)

Sur ce point, Vatican II a été si abondant, si clair et même passionné, que cela vaut la peine de relire le Décret sur l’apostolat des laïcs, (…) (p.55)

Là, le Concile débordait un peu trop d’optimisme. Les laïcs veulent bien être pieux et paroissialement engagés. Mais voir plus loin, se faire apôtres partout, c’est beaucoup demander.

On ne leur demande peut-être pas très bien. Les prêtres aiment mieux leur dire : «Venez m’aider» que de voir avec eux comment in révèle le Christ en étant serveuse de cafétéria, P-DG, routier, mère de famille. (p.56)

La question de l’apostolat des laïcs est plus large. Il s’agit d’éveiller en chaque chrétien une volonté réaliste d’être partout apôtre : «À tous les chrétiens, précise le décret, incombe la très belle tâche de travailler sans cesse pour faire connaître le message divin du salut par tous les hommes sur toute la terre.» La répétition obsédante de «tous» est significative, le Concile arrache tout le monde à une vie trop calfeutrée.

Le texte continue en luttant aussi contre la double vie des chrétiens – un peu pour Dieu le dimanche, tout pour la vie la semaine. (p.57)

L’Obstacle sur lequel on bute tout de suite, c’est le flou. «Soyez les apôtres de la vie sociale», leur disent Vatican II, le pape et monsieur le curé. «Bien, répondent-ils, mais où et comment?»  Les mouvements se chargent de cet éclairage et de cette formation. (…) Mais selon le refrain obstiné du Décret sur l’apostolat des laïcs, ce sont tous les chrétiens, et donc chaque chrétien, qui doivent se réveiller le matin en se disant : «Comment, aujourd’hui, pourrai-je être apôtre en agissant et en parlant selon l’Évangile?» (p.58»

Partager cet article
Repost0
8 août 2012 3 08 /08 /août /2012 20:40

DSC-0001-1.JPG

 En sélectionnant les extraits de ce chapitre, j’ai constaté à quel point André Sève a été avant-gardiste pour écrire ainsi en 1993. Il s’adressait à une élite intellectuelle fortement influencée par l’avant Vatican II. Moi qui ai une certaine distance d’une époque pour moi lointaine, je reste stupéfait de l’actualité de ses propos.

«Le P. Varillon le sentait bien : «Quand on voit comment les gens butent sur l’institution, on se dit : il y a quand même autre chose!»

D’abord, voir cet «autre chose». Après on pourra supporter, corriger, faire progresser. Avant d’être forcément une institution (qui pourrait, sans cela, rassembler tant de gens et s’en occuper?), l’Église est accueil; l’accueil des dons que Dieu nous offre par Jésus Christ. Elle peut alors rassembler ceux qui, par elle, vont accueillir Jésus Christ, son Évangile et ses sacrements. (p.41)

L’Église-appel

Par malheur, et c’est grave, l’appel à l’idéal risque toujours de glisser sur la pente qui va de l’obligation à la condamnation. Le plus douloureux exemple est celui de la messe. Œuvre d’amour, elle était devenue une obligation-terreur, alors que les premiers chrétiens mouraient pour elle en disant : «Nous ne pouvons pas nous en passer.» Bien d’autres invitations mal lancées et mal reçues ont fini par transformer l’Église de l’appel en Église de l’interdit. Le symbole du mur qui se dresse entre l’invisible (ce que les gens veulent profondément vivre) et le visible (ce que l’Église demande), c’est Humanae vitae. L’Église appelait à l’amour, les gens n’ont vu que la condamnation. La faute à qui? (p43)

Il faudrait relire ici tout le No 25 de Lumen gentium qui traite de la fonction d’enseignement des pasteurs de l’Église, pape, évêques et conciles. Et plus que le lire; essayer de le recevoir. Non pour chloroformer notre activité de pensée, mais pour accueillir avec une patience aimante et un préjugé favorable ce que dit et fait l’Église. Cette attitude nous donne plus de chances de rejoindre sa propre écoute de l’esprit. Comme baptisés nous sommes tous bénéficiaires de l’esprit, mais les grands responsables sont dans le peloton de tête. Dommage qu’ils semblent avoir peur du débat au moment même où, dans une société de discussion, il faudrait qu’ils s’expliquent sans lassitude, sans peur, et si possible avec de la tendresse. (pp.43-44)

«Pourquoi mettre l’Église entre Jésus et nous?»

Personne ne récuse l’Évangile. En revanche, on dit non en vrac aux structures de l’Église, à son autoritarisme, ses richesses, les scandales dans le passé et le présent.

Mais qui nous a donné l’Évangile? Avoir réalisé le Nouveau Testament, Évangiles et Lettres apostoliques, est un des plus beaux exploits des débuts de l’Église. Et elle continue à nous le donner! Qui nous apprend à lire l’Évangile comme il faut le lire à notre époque? Et qui nous y ramène constamment?

Dire non à l’Église, c’est dire non à Jésus lui-même, puisque c’est refuser son œuvre et son corps : «Vous êtes le corps du Christ.» Mais je sais bien comment on relance le non : «Ce n’est pas l’Église que Jésus a voulue.»

D’abord, Jésus n’a pas construit une Église sur plans. Deux choses seulement sont certaines : il a voulu le collège des Douze et Pierre comme chef très collégial de ces Douze. Et, deuxièmement, il a confié son œuvre à l’Esprit. L’Église est le mouvement des apôtres lancé à Pentecôte.

Après cela règne la liberté! Cette liberté qui doit avoir beaucoup de valeur aux yeux de Dieu, puisqu’il la respecte jusqu’à nous troubler. Pourquoi l’Esprit laisse-t-il faire et dire des choses qui dévalorisent son Église? Parce qu’il fait ce qu’il peut faire avec des libertés en les inspirant sans les robotiser. (p.45)

Dans tout ce visible se fait un travail invisible. À nous d’être, dans cette Église de la liberté et donc des fulgurances et des balbutiements, les membres intelligents, patients et créatifs. L’Église visible, ce n’est pas seulement le pape et quelques évêques très médiatiques, c’est tout chrétien là où il est, là où il parle et agit.

L’Église n’est pas entre Jésus et nous, elle est Jésus prenant corps par nous. Quand ce corps nous déçoit, maudissons le pape, les évêques, monsieur le curé… et nous-même. Une femme qui participait très fortement au synode de son diocèse disait : «C’est incroyable comme j’aime l’Église depuis que je la fais.» (p.46)»

Partager cet article
Repost0
8 août 2012 3 08 /08 /août /2012 03:02

ATT242768-1-.jpg

Il est intéressant que l'auteur nous invite à la méditation pour comprendre le rôle du chrétien.

«On balance ainsi entre la montée vers Dieu de l’effort humain et la descente vers nous d’une œuvre finale de Dieu. Il existe une formule qui unit parfaitement, en les hiérarchisant, notre part et celle de Dieu : «Nous sommes en train de préparer la matière dont le Royaume sera la forme.»

Pour l’honneur de l’homme et de sa vie on veut maintenir que rien ne sera perdu des beautés et des amours ici-bas. Mais on rend pleine justice aux promesses divine en creusant la notion si biblique d’«accomplissement» : il revient à l’homme de tout essayer, il revient à Dieu de tout parfaire.

Ce Royaume est un nid de questions, et pourtant seule la méditation sur le Royaume modèle l’homme capable de bien l’attendre. Mais qu’est-ce que cela veut dire, «attendre le Royaume»? C’est l’accueillir comme le merveilleux cadeau d’amour de Dieu. (p.26)

Accueillir le cadeau

«Convertissez-vous», demandait Jésus. On moralise trop vite cet impératif en «Dégagez-vous du péché.», alors qu’il est d’abord l’appel à se tourner vers le cadeau de Dieu, ce qu’il a rêvé pour nous et pour notre monde : le Royaume. Il faudra bien que nous soyons effort, mais avant tout nous devons être accueil. (pp.26-27)

Mais, si ordinairement les tâches humaines sont claires, celles de la préparation au Royaume sont difficiles à préciser. Refusant plus ou moins consciemment cette lutte avec le mystère, j’ai passé des jours à travailler les textes des exégètes, des théologiens et des spirituels pour clarifier la notion de Royaume, sans réaliser que j’essayais de faire que le mystère ne soit pas un mystère. (pp27-28)

Je vois au moins qu’il y a une chose constamment répétée et nette : Dieu veut qu’un jour tous les hommes soient en parfaite communion avec lui et entre eux. Quand et comment? La recherche respectera le mystère si elle se maintient dans les paraboles de Jésus, le seul guide authentique du Royaume : le Royaume peut se comparer à un semeur qui avait semé du bon grain, mais son ennemi vint y semer de l’ivraie; le Royaume est un petit grain de sénevé qui va devenir un grand arbre; le Royaume, c’est du levain qu’une femme enfouit dans la farine; c’est la perle précieuse, un immense filet, un fabuleux festin offert à tous. (p.28)

 

Nous irons au paradis

Le Royaume, ce sera le paradis. (…) Nous sommes ramenés au grand problème des réalités dernières : comment en parler? Ciment rêver aux jardins de Dieu puisqu’ils sont hors l’espace et du temps. (p.28)

C’est le moment de lâcher les définitions pour les symboles, en se redisant que le symbolisme biblique n’est pas un conte de fées mais un chemin vers la réalité, quand nos chemins habituels nous laissent à la frontière du Royaume.

Le premier dépaysement c’est qu’au ciel, dans le Royaume de Dieu, il n’y a que du bonheur. Peu importe, finalement, les mots et les images pour le dire : la réalité sera un bonheur en or massif, illimité, inattaquable, sans pannes et sans fin. J’accumule les mots parce que ce n’est pas facile pour nous, terriens, constitués pour ainsi dire par le malheur, de nous placer devant ce gommage total de malheur et de l’angoisse. (p.29)

Il y aura très positivement nos rêves familiers, mais aussi les surprises que Dieu nous réserve : transfigurer les joies connues et les surpasser par des inédites.

Jésus déploie tout cela par un seul mot : «Nous entrerons dans la joie du Seigneur.» (Mt 25, 21). Du coup, les idées de cinéma permanent, de Sanctus à la tonne s’évanouissent. Bonheur de Dieu, la pensée du paradis va dépendre de notre haute idée de Dieu. La Création, de l’atome aux galaxies, de la rose à l’homme, nous dit déjà de quoi l’Éternel est capable. Mais découvrir la vie trinitaire, voir enfin qui est Dieu, nous apportera une telle intensité d’existence que parler d’ennui à propos de la vie éternelle révèle la défaite de notre intelligence devant la notion d’éternité. Nous ne pouvons (pas) nous empêcher d’y voir de la longueur et de la succession. Ce n’est pourtant pas une question de longueur mais une concentration de présence. Notre temporalité nichée dans l’infinité. Notre désir comblé et restant désir, c’est-à-dire l’anti-ennui. (p.30)

De nouveau, notre intelligence cale. Qu’est-ce que peut être la fraternité vécue dans des foules indescriptibles? Que deviendront nos amitiés d’ici-bas et les liens des couples? L’impossibilité de répondre ne doit pas gâcher l’idée d’innombrables et comblantes joies fraternelles. (p.31)

Harmoniser le progrès et le salut

Ici, on est obligé de louvoyer entre deux positions extrêmes. D’un côté, la séparation brutale entre le monde terrestre et la vie future : ce que nous faisons en ce moment n’a rien à voir avec le paradis. D’autre part, une confiance trop optimiste à l’égard de nos possibilités : sous les yeux de Dieu et avec son aide, bien sûr, nous transformerions nous-mêmes notre monde en Royaume définitif.

Ces positions tranchées séduisent par leur clarté, mais la réalité est plus complexe et, il faut le redire, plus mystérieuse. Nous sentons bien que nos tâches d’hommes fabriquent de l’éternel. Comment, et quel éternel? Nos ordinateurs, nos satellites, nos Jeux olympiques, nos gouvernements engendrent-ils seulement de l’éphémère? Entrevoir au moins quelque chose de ce qui restera peut valoriser beaucoup ce que nous mettons en chantier sur toute la surface de la terre.

Vatican II va nous éclairer. Gaudium et spes consacre son chapitre III à l’activité humaine : quelle est sa valeur pour maintenant et pour l’éternité? (p.32)

En méditant sur le Royaume, nous regardons autrement ce qu’on appelait «le profane». N’est profane que ce qui est sans amour. Puisque Dieu est amour, il y a du divin partout où l’on fait des choses par amour. Le P. Varillom appelait cela le travail d’humanisation. «Ce que l’homme humanise, disait-il, Dieu le divine.» Tout effort d’humanisation, pour que la vie d’ici-bas soit plus heureuse, est un pas vers notre vie éternelle divinisée. (pp. 33-34)

L’Église est l’école d’apprentissage du Royaume

(L’Église) est la part du monde où le Christ et son Évangile prennent pied. Donc, un commencement du Royaume et sa meilleure école d’apprentissage, mais le Royaume la débordera toujours, puisqu’il est fait, nous l’avons vu, pour tous les croyants de toutes les religions et même pour tous les hommes de bonne volonté, alors que l’Église rassemble seulement ceux qui croient en Jésus Christ, (p35)

Pour cela, avec quelle passion (les chrétiens) doivent vouloir que l’Église soit vraiment l’Église du Christ » Entre ce qu’elle est maintenant et ce qu’elle doit être quand, Jérusalem céleste, elle sera devenue Royaume. Épouse, réunissant enfin tous les hommes qui aiment Dieu et qui s’aiment entre eux, l’abîme a de quoi décourager. Mais que peut produire ;le découragement? Des critiques destructives et des abandons. (p.36)

Beaucoup vont sursauter, en pensant aux divorcés remariés, à la contraception, au retour de la méfiance envers les théologiens, aux accès de fièvre romaine.  Pourtant, suivre un voyage du pape, participer à un synode diocésain, écouter une missionnaire au Yémen, mesurer la montée de la prière et lire la vie des saints d’aujourd’hui révèle des vagues d’amour qui submergent les autoritarismes, les étroitesses et les lenteurs.

Le Royaume est partout où l’on garde son âme tendue vers Dieu, et partout où l’on veut être plus fraternel. Pour qui a des yeux largement ouverts l’Église est déjà le Royaume quand elle fait naître en son sein des priants et des fraternels. Et chose si précieusement nouvelle, quand elle admire les priants et les fraternels des autres courants spirituels. Depuis le 6 août 1964, l’encyclique Ecclesiam suam de Paul Vi a élevé le mot «dialogue» au rang des mots d’amour qui parlent du Royaume. (p.37)

Si notre cœur est en paix avec Dieu, nous sommes entrés dans le Royaume

En élargissant ainsi les mesures habituelles, nous devenons beaucoup plus responsables de nos décisions : suis-je en train de prendre le bon train pour l’éternité? Plus responsables aussi du monde, plis lucides. Cette énorme machine fabrique-t-elle des hommes et des structures pour le Royaume? Suis-je de ceux qui instaurent déjà la justice et l’amour? Ai-je acquis le réflexe de vouloir qu’on s’aime, coûte que coûte, partout où je vis? Ai-je accepté l’idée que l’Église devienne la meilleure accoucheuse du Royaume? (p.38)

Vienne ton Règne!

L’immense différence avec Dieu, c’est que faire sa volonté. Est toujours pour nous une digbnit.et un bonheur. «Ma nourriture, confiait Jésus, est de faire la volonté de mon Père» (Jn 4, 34). «Heureux, dit le psaume 118, ceux qui suivent la loi du Seigneur. » Et tout le psaume répète inlassablement : «Je trouve ma joie dans l’obéissance à  tes ordres.»

Pas seulement parce qu’on se sent heureux d’obéir à Dieu, cette joie ne tiendrait pas dans les coups très durs où l’on se demande comment Dieu nous aime! C’est le moment de se rappeler que Dieu est Dieu. Il nous aime en nous voulant nobles, libres et finalement heureux. Lui seul peut voir en pleine lumière ce qu’il doit exiger de nous pour cela.

Il ne faut surtout pas imaginer le pouvoir de Dieu comme nos pouvoirs agrandis, magnifiés, mais faire appel à notre intelligence de la foi pour en arriver à convenir que la domination  de Dieu non seulement respecte notre personnalité mais l’Exalte en tout, y compris notre liberté. Sommes-nous libres quand nous cédons à l’orgueil et à l’égoïsme? Obéir à Dieu nous tire de ce que nous prendrions pour notre autonomie et qui n’est que notre prisons. (pp39-40)

Partager cet article
Repost0
7 août 2012 2 07 /08 /août /2012 16:04

A-20Ste-20Anne-20Du-20Bocage-1-.JPG

 Comme je l’ai entrepris, je vous propose des extraits qui ont retenu mon attention à la lecture Oui à l’Église, paru chez Centurion en 1993 par André Sève. Les chapitres ne sont pas chiffrés mais les titres invitent à la réflexion.

«Où en est aujourd’hui le grand désir missionnaire d’aller prêcher l’Évangile dans le monde entier? Deux mille ans plus tard l’Église est bien partout, mais des millions d’homme ne connaissent pas le Christ.

On disait : il suffit d’attendre. On voit bien maintenant que l’annonce du Christ n’atteindra jamais tout le monde et on envisage l’Église dans un dessein beaucoup plus large qui englobe vraiment tous les hommes : le Royaume de Dieu. (p.15)

En passant nécessairement par l’Église? Longtemps on a pu le croire. Impossible maintenant, quand on voit vivre le judaïsme, se développer l’islam et le bouddhisme. On est bien obligé de se dire que beaucoup d’hommes jusqu’à la fin du monde auront cherché Dieu et formeront son Royaume éternel sans avoir appartenu à l’Église. (p.16)

L’Église est la forme évangélique du salut

L’Église n’est donc qu’un aspect partiel du Royaume. Mais quel aspect! Elle est la forme évangélique du salut, c’est-à-dire la lumière et la force d’aimer que Jésus est venu apporter au monde.

L’appel du Christ restera toujours pressant : il faut s’efforcer de prêcher son Évangile à tous les hommes, il faut constituer avec les hommes évangélisés et baptisés une Église. Elle sera le lieu où le Royaume existe déjà dans sa forme terrestre la plus parfaite, puisqu’on y écoute sans cesse Jésus, et on y reçoit directement sa vie dans les sacrements. Par la Parole et le Pain nous pouvons commencer à aimer Dieu en nous aimant entre nous. (p.16)

Deux choses devraient nous éclairer. Premièrement, ce que fait Dieu est toujours une histoire d’amour. Deuxièmement, le privilège d’être choisi par Dieu entraîne une grande responsabilité : se hisser sur les hauteurs vertigineuses de cet amour et répandre le plus possible le nom de Jésus Sauveur par lequel, sous des formes très diverses, tous les hommes seront devenus des choisis.

Cela conduit à une conséquence qu’il faut bien peser : nous ne sommes pas proches de Dieu par une forme de religion, mais par la réalité de notre amour envers lui et donc envers nos frères, car nous n’aimons Dieu qu’en aimant nos frères. C’est vrai pour tout homme dans le monde, croyant ou non croyant (Mt 25,40) (p.17)

Mais comment les musulmans et les bouddhistes peuvent-ils être sauvés?

Puisque le Royaume s’étend à tous les hommes en marche vers Dieu, proches ou éloignés de l’Église, je pense qu’il faut essayer d’explorer la réalité mystérieuse du Règne pour ne pas la perdre de vue quand nous parlons de l’Église, mais sans la confondre avec elle. Le Royaume est plus large que l’Église, mais l’Église est le noyau visible du Royaume. (p.18)

Jean-Paul II est le grand pionnier de la gigantisme aventure qui a démarré publiquement à Assise, le 27 octobre 1986, quand les délégués de toutes les religions furent invités à prier ensemble avec le pape. Surpris, enthousiasmé ou furieux, le monde a contemplé ce fantastique calumet de la paix entre des croyants qui n’ont jamais cessé de s’étriper. Sauf les bouddhistes! Mais les chrétiens, eux, n’étaient pas les derniers à massacrer au nom de Dieu.

C’est fini! A dit Jean-Paul II. Par ce haut geste symbolique il a proclamé qu’on peut s’aimer malgré les différences parce qu’elles se relativisent devant trois grandes unités : l’unité de création du genre humain, l’unité du rôle de l’Esprit Saint au travail partout depuis l’origine du monde, l’unité de l’œuvre rédemptrice du Christ, sauveur de tous les hommes. (p20)

67% de non-chrétiens sur la planète

«Sauveur de tous les hommes!» Nous voilà de nouveau devant la pointe du grand débat. L’œuvre de salut du Christ est bien universelle, mais elle ne peut être clairement perçue, acceptée et vécue que dans l’Église, en passant par la porte du baptême. (pp20-21)

On commence à reconnaître par les chrétiens (encore timidement!) que les religions autres que le christianisme ne sont pas que du sympathique folklore religieux mais de réels chemins de salut.

Est-ce que cela veut dire que nous n’affirmerons plus que Jésus est le seul sauveur du monde, et que nous stopperons les missions? Non. Il va falloir creuser patiemment le sens d’un texte capital et audacieux de Vatican II. Le Concile y enseigne que le Christ, par son incarnation, sa mort et sa résurrection, agit en chaque personne pour l’amener à un renouveau tout intérieur. (p.21)

Mais nous avons à élargir nos cœurs, à nous occuper davantage de ces millions de personnes qui n’adhéreront jamais au Christ explicitement. Et nous en occuper d’une façon nouvelle. L’évangélisation aura de plus en plus deux visages : l’annonce quand elle est possible, et le dialogue nettement recherché quand l’annonce serait inopportune.

À la faveur de ce dialogue où chacun dit comment il va vers Dieu, nous apporterons quelque chose, mais – et c’est la nouveauté – nous recevrons des autres des valeurs de salut dont nous sommes peut-être pauvres, par exemple l’intériorité bouddhiste et l’adoration musulmane du Très-Haut.

Ces découvertes ne font que commencer, mais quelle chance de vivre à une époque où l’Église, malgré certaines hésitations, essaye de regarder les foules comme Jésus les regardait. (…) Le fameux texte conciliaire sur «Les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes» commence par un regard maternellement immense : «Elle veut examiner d’abord ce que les hommes ont en commun («d’abord» est significatif pour le nouvel esprit) et ce qui les pousse à vivre ensemble leur destinées» (Nostra aetate 1)

 Cette destinée commune, c’est le Royaume. (pp22-23)

Partager cet article
Repost0
6 août 2012 1 06 /08 /août /2012 21:51

ATT242735-1-.JPG

André Sève propose une belle réflexion sur l’Église. Il propose une ouverture d’esprit qui me questionne. Même ceci a été publié en 1993 chez Centurion, force est d’admettre qu’il y a matière à discussion.

«L’Église vive, c’est l’Église qui est l’annonce heureuse que Dieu nous aime, et que nous pouvons nous aimer entre nous. On a dit cela mille fois, mais le P. Bellet pense qu’il faut provisoirement tout déblayer pour découvrir un commencement qui doit se muer en recommencement obstiné : l’Église est annonce d’amour, servante de l’amour. (p.7)

Pourquoi lâche-t-on l’Église?

Pourquoi, en ce moment, tant de déçus critiquent l’Église et la lâchent? Parce qu’on dirait qu’elle ne voit plus très bien à qui elle parle.

Là encore, il faut remonter aux débuts de son existence et de sa mission : elle est née pour offrir l’Évangile réel à des hommes réels. (p. 8)

L’Évangile réel c’est celui, rude et tendre, qui peut faire de n’importe quel homme un disciple de Jésus. C’est-à-dire quelqu’un qui veut aimer parce qu’il a vu que le sens de sa vie et le sens du monde est là : aimer. Cela devrait être notre obsession, et l’Église vive est faite pour entretenir ce message fondamental de l’Évangile. (pp 8-9)

Après s’est adressée à des foules dociles et ignorantes, elle (l’Église) doit parler à des gens qui ont eu leur bac ou l’équivalent et qui ne jurent que par la télé.

Que l’homme réel soit devenu un drogué de pub, un être qui veut cueillir immédiatement tous les plaisirs possibles, qui refuse toute souffrance, qui croit passionnément à la science et aux technologies les plus risquées, ce sont des choses à ne jamais oublier si on veut lui parler efficacement de l’Évangile.

L’homme réel déteste aussi l’exclusion. Il accepte que l’Église soit un club, mais ouvert. (…), tous les hommes doivent être accueillis maintenant et sauvés éternellement. L’idée de l’enfer fait de plus en plus horreur. (p. 9)

Il n’y a plus rien d’indiscutable

Dès que nous tombons sur des textes irréels ou sans compassion, nous devrions approfondir la question, pour devenir les sauveurs de l’annonce ratée. L’Église morte ou vive, c’est nous. Je me souviens d’un grand repas d’anniversaire, chez des amis. La conversation est tombée sur de récentes positions de l’Église très mal reçues. On pataugeait en plein magma médiatique (la télé a dit ça, le Figaro a dit ça, oui mai Libération…). (p.10)

Malgré tout, l’enjeu véritable dépasse ces points particuliers. Même quand elle (Église) se bat mal, il faut voir pourquoi elle se bat. L’aimer et lui attirer des sympathies, c’est d’abord connaître si bien sa mission qu’on puisse la faire comprendre aux orielles d’aujourd’hui. Au-delà des inévitables bavures et des problèmes de langage, les gens pourraient admettre qu’ils sont aimés, qu’ils peuvent s’expliquer avec elle, l’éclairer et même la contester quand elle s’éloigne trop de la vie réelle. (p.11)

Pourquoi l’Église?

En envoyant ses apôtres à travers le monde, Jésus ne songe pas à construire quelque chose, mais à lancer un mouvement : «Allez dans le monde entier pour faire des disciples» (Mt 28,19). La formidable organisation actuelle de l’Église n’est rien quand manque le dynamisme qui marqua ses débuts : «Prêchez partout l’Évangile et faites-le vivre.» Toute méditation sur l’Église doit partir de là : elle est au service de l’Évangile. (p.11)

C’est tout de même bien grâce à elle que les paroles de Jésus n’ont jamais cessé d’être enseignées. Et vécues non seulement par les saints qu’on célèbre chaque jour, mais par la masse de ces chrétiens très simples et totalement donnés qui sont les fleurs d’amour du jardin travaillé par l’Église. (…)

Elle est l’Église d’un Évangile qui dit souvent : «Heureux serez-vous si…» Sa grâce et sa chance actuelle, c’est de pouvoir enseigner après Gaudium et spes que toute la vie peut être heureuse parce que la vie quotidienne est sacrée. Le dit-elle avec assez d’optimisme et d’affection? Si elle continue d’être l’éternelle grondeuse, elle risque de faire penser que Dieu n’est jamais content de nous, et c’est si lourd à porter qu’on jour on laisse tomber. Quand elle répète que Dieu est Amour on a envie de soupire : «Bon, on a compris, mais montre-le.» (pp.12-13)

Ô mon Église, si tu dois nous tracer des chemins difficiles, commence par l’amour, et reste dans l’amour, nous verrons mieux que ce que tu exiges au nom de Dieu n’est pas domination mais service,

N’attaque pas durement nos soifs de bonheur et nos colères devant l’injustice sociale. (…) Tes contestataires t’aiment plus que ceux qui t’immobilisent et te tirent en arrière. Puisque tu es l’offre divine de vie, écoute bien les critiques contre les œuvres de mort autour de toi et même en toi. Puissions-nous afficher dans toutes tes permanences et tes bureaux : «Ici on aime»! (p.13)»

 

 

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de Daniel LeClair
  • : Réflexion libre sur différents sujets sociaux, culturels, religieux. Je suis disponible à répondre aux questions des lecteurs.
  • Contact

Recherche

Pages

Liens